Un peu plus de deux semaines avant la sortie d’Holy Fire, Yannis Philippakis nous raconte la création du troisième album de son groupe. Longue rencontre avec le complexe leader de Foals.
Quand avez-vous commencé à travailler sur Holy Fire ? Dans quel état d’esprit étiez-vous ?
Yannis Philippakis : A la fin de la dernière tournée jusqu’à février, on a pas mal jammé, notamment pendant les soundchecks. On avait des fragments de chansons. Quand tu fais un album et que tu joues les mêmes chansons soir après soir, tu apprends à connaître les limites des chansons que tu as déjà écrites. On s’est rendu compte que tout ce que nous voulions écrire et composer, tout ce qui nous excitait et tout ce que nous voulions explorer commençait donc là où les chansons de Total Life Forever s’arrêtaient. A partir de ça, on savait qu’il fallait trouver une nouvelle direction. On est rentrés à Oxford et on est entrés dans ce tout petit studio près de la maison où on habitait avant. C’est le même studio où Jack et moi jouions quand on avait quinze ans. C’était agréable de revenir dans cet endroit même si on était les uns sur les autres dans cette toute petite pièce. C’était très intime. On aurait pu aller dans un grand studio très cher – ce qu’on a d’ailleurs fait pour enregistrer l’album ensuite –, mais pour écrire, on avait besoin d’être à la maison, dans un endroit avec une certaine pureté. Je pense qu’on se serait sentis mal si on avait dû écrire ailleurs qu’à Oxford.
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C’était agréable de revenir chez vous après autant de temps passé sur les routes ?
Oui, d’autant plus qu’on avait beaucoup tourné pour le second album. On se sentait plutôt bien après la tournée bizarrement. Tout s’est bien passé pour Total Life Forever. On ne se sentait pas vidés, ni épuisés en rentrant. Au contraire, on se sentait investis. On avait assez confiance en nous pour se dire qu’on pouvait tout faire. Peu importe les structures des chansons qu’on allait écrire, peu importe leur orchestration, peu importe leur son, on savait que cela sonnerait comme du Foals. On s’est dit qu’on pouvait faire ce qu’on voulait, que tout était permis, que tout était possible, que rien ne sonnerait faux.
Vous avez beaucoup gagné en confiance depuis Antidotes ?
Bien sûr ! L’inverse serait inquiétant. On a le sentiment d’avoir satisfait une partie de l’appétit qu’on avait. On brûlait d’envie de faire un album comme Total Life Forever, un disque plus émouvant, plus introverti, qui laissait de la place au silence et qui n’était pas bâti pour les dancefloors. On avait besoin de faire ça. En sortant notre second album, on a nourri le monstre à l’intérieur de nous, mais pas complètement. On a toujours faim de musique, plus pour accomplir certains objectifs qu’on s’était fixés mais pour la musique elle-même.
Vous n’auriez pas pu écrire Holy Fire sans Total Life Forever ?
Je pense que non. Mais de toute façon, je ne crois pas que l’on puisse faire un troisième album sans l’influence de tout ce qu’on a fait avant. Je ne dirais pas que ce disque est une réaction directe à l’album précédent, mais on a appris beaucoup de choses avec Total Life Forever, notamment à déceler ce qui ne fonctionne pas, et sans cela, on n’aurait pas pu faire Holy Fire. Lorsqu’on a sorti Total Life Forever, il y avait une certaine attente autour de ce que Foals devait faire, comment nous devions sonner. Le public attendait peut-être un autre album comme Antidotes, mais on ne l’a pas fait. En sortant un disque comme Total Life Forever, on a créé un espace plus large que ce qu’Antidotes nous avait permis d’ouvrir. Depuis, on sait qu’on ne sera pas critiqués si l’on fait quelque chose de différent parce que les gens s’attendent à ce que l’on aille dans de nouvelles directions. On est très heureux d’être dans cette position parce qu’on sait désormais qu’à chaque nouvel album, on peut se retourner, aller à contre-sens du précédent, se réinventer, explorer, aller où l’on veut sans être tenu par l’idée que les autres se font de notre groupe. C’est le problème principal de certains groupes : être coincés et influencés par les mots qu’utilisent la presse et le monde extérieur pour les définir. Ils se mettent à croire qu’ils sont ce qu’on dit d’eux et qu’ils doivent s’y tenir. Tout ça n’est que de l’air. Une fois que tu l’as compris, tu es libre.
Comment dirais-tu que les relations au sein du groupe ont évolué depuis le second album ?
Je ne crois pas qu’elles aient beaucoup changé. Disons qu’on se laisse un peu plus respirer. De mon côté, j’arrive un peu mieux à savoir quand je dois contrôler ce qu’on fait et quand il faut que je laisse les choses aller d’elles-mêmes. J’ai appris à lâcher du lest un petit peu. On se connaît bien, on sait les limites de chacun. C’est comme lorsqu’on est en couple depuis longtemps : on sait reconnaître les toutes petites disparités invisibles qui font que l’on est des êtres humains différents. Et puis on se fait profondément confiance les uns les autres. On a vu Jimmy (Smith, guitare, ndlr) s’épanouir complètement pendant l’écriture de Holy Fire, notamment en se mettant au piano. C’est très beau de voir un de ses potes si talentueux se permettre de nouvelles choses, passer de la guitare au piano si facilement. On s’est tous épanouis sur cet album d’une certaine manière.
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