C’est contre leurs propres démons, contre un perfectionnisme pathologique et dans un huis clos angoissant que Foals a réussi à accoucher de son second album. Un groupe brillant et une histoire passionnante, déroulée dans une interview au long cours.
C’était plus facile avec Luke Smith qu’avec David Sitek, qui avait produit Antidotes ?
Edwin Congreave : Je ne sais pas si c’est comparable, car cela n’avait absolument rien à voir. Et c’était radicalement différent, dans tous les aspects de la chose, car ce sont deux personnes très différentes.
Yannis Philippakis : Il faudrait sans doute leur demander. On nous parle tout le temps de nos producteurs, mais eux-mêmes n’ont jamais leur mot à dire –et ils pourraient sans doute expliquer bien des choses, sur nous notamment. Nous sommes sans doute un groupe avec lequel il est extrêmement différent.
Edwin Congreave : Luke est quelqu’un qui cherche la perfection absolue dans absolument tout ce qu’il fait. David Sitek, lui, ne s’intéresse ni de près ni de loin à l’idée même de perfection. C’est une différence majeure.
Yannis Philippakis : Ce sont deux écoles différentes. On ne peut pas opposer les deux styles. D’une certaine manière, nous avons été plus libres en enregistrant cet album, et d’une autre, nous ne l’avons pas été. C’était juste très différent. Nous avons toujours expliqué vouloir faire des albums différents les uns des autres : voilà très précisément comment on fait des albums différents les uns des autres. Le troisième album sera sans doute encore différent. Nous ne voulons pas créer une formule et la répéter ad lib. C’est simplement l’évolution. Elle s’oppose à l’extinction. Nous avons donc choisi l’évolution.
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[attachment id=298]Vous vous sentiez plus libres que pour Antidotes ?
Yannis Philippakis : Nous sommes arrivés avec des morceaux écrits ou structurés à 70%. Mais nous avons laissé de l’espace, justement pour nous laisser un peu de liberté. Le processus était quand même tout aussi contrôlé que lors de l’enregistrement d’Antidotes : c’est comme de dessiner un jardin, puis de laisser la nature le modifier un peu à sa guise.
Et concrètement, comment la nature a-t-elle fait son office ?
Edwin Congreave : Beaucoup des meilleures prises viennent des moments où on se sent justement un peu moins en contrôle, où on se laisse un peu aller. Les choses se passent, et il faut les capturer.
Yannis Philippakis : L’un des avantages de ce studio était qu’il disposait de plusieurs salles d’enregistrement. Si je faisais quelque chose dans l’une des pièces, des voix par exemple, Jimmy pouvait aussi jouer dans son coin, ou Jack dans une autre salle. Nous avions tous la chance de pouvoir tenter des choses.
Edwin Congreave : Le processus d’écriture a été très différent entre les deux albums. Les chansons d’Antidotes ont été écrites sur une période de deux ans, et nous n’avions pas forcément en tête l’idée que nous allions enregistrer un album. Mais paradoxalement, l’enregistrement a été plus long pour cet album : nous savions que nous avions le temps. Nous avions quitté nos boulots, pour commencer.
Vous aviez le temps, mais y avait-il une quelconque pression sur vos épaules, notamment de votre label ?
Yannis Philippakis : Une pression vraiment très douce. Nous avons vraiment été laissés seuls. Le seul moment où une forme de pression s’est manifestée a été quand il a fallu choisir un producteur. Nous en avons essayé plusieurs, ça a pris du temps, et on a fini par nous demander de choisir définitivement. Mais pour ce qui est du nom du producteur, de la direction que nous prenions, du temps dont nous disposions, nous avons été plutôt libres. Plutôt libres, mais pas totalement : si on nous laissait absolument tout le temps que nous voulions, je pense que nous ne sortirions jamais d’un studio, que nous ne bouclerions jamais nos albums. Ce serait Chinese Democracy…
Parce que vous êtes tous des control freaks ? Ou parce que tu l’es, toi en particulier, Yannis ?
Yannis Philippakis : Oui, sans doute…
Edwin Congreave : La question n’est pas trop celle d’avoir un control freak ou pas dans le groupe. Si tu as un perfectionniste dans le groupe, ça peut compliquer les choses. Mais quand tu en as cinq, qui chacun pense que son instrument est primordial, que sa partie est importante, ce qui est d’ailleurs évidemment le cas…
Vous étiez toujours d’accord, entre vous, sur les idées de chacun, sur la perception de la perfection de chacun ? Qui, au final, dispose du dernier mot ?
Edwin Congreave : C’est l’avantage d’avoir un producteur. Pas qu’il dispose du dernier mot, mais c’est une oreille extérieure, un avis important. Mais ça change de morceau en morceau.
Jimmy Smith : Nous sommes tous assez tolérant, et on partage quand même certaines conceptions. Si quelqu’un a une bonne idée, d’où qu’elle vienne, on la prend. Ca pourrait même être un roadie : si l’idée est bonne, elle est bonne, un point c’est tout. Et nous sommes généralement en accord quand quelque chose est bon.
Yannis Philippakis : On en arrive aussi, au bout d’un moment, où le point final arrive quand on sait que tout le monde tolérera, tout simplement, ce qui est sorti. Encore une fois, si on attendait réellement d’atteindre notre idéal de perfection, aucun album ne sortirait jamais.
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