Après l’anthologie sur les dix ans de son label Brainfeeder, Steven Ellison propose un nouvel album solo à l’ambition cosmique.
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Le jeu du chat et de la souris, Steven Ellison maîtrise. Il nous l’aura à nouveau prouvé par son attitude face à l’exercice de la promotion : une interview à Londres est d’abord prévue, puis il s’agit d’une rencontre à Los Angeles. Finalement, ce serait une conversation par téléphone qui… ne sera jamais programmée. Pour couronner le tout, le lien privé nous permettant d’écouter son sixième album, Flamagra, ne propose qu’une seule piste pour pas moins de 27 morceaux ! Voilà qui apprendra aux critiques mal embouché.e.s à accueillir le disque tel qu’il est : un écrin fluctuant, épique et cosmique, à ressentir dans son ensemble, sans autres interludes que ceux qu’Ellison a lui-même composés.
Cette volonté de s’affranchir des contraintes, on la retrouve dans Flamagra, qui bat autant le chaud et le froid que son auteur. Entre le jazz synthétique de Heroes in a Half Shell et le hip-hop old school de More partagé avec Anderson .Paak, le rock démonstratif de Thank U Malcolm et le funk euphorique de Burning Down the House, avec le grand manitou George Clinton, il y a de la soul (bien plus qu’on ne pourrait le croire), de l’électronique abstraite, de la dance dans une dimension résolument onirique, du hip-hop toujours, terreau fondateur et fertile. Comme d’habitude chez Flying Lotus, les invité.e.s ont belle allure et se bousculent au portillon, de Tierra Whack à Solange en passant par Toro Y Moi, Little Dragon et David Lynch, qui impose sa présence spectrale à l’étrange parenthèse sonore Fire Is Coming.
Ce foisonnement de propositions épouse la trajectoire d’une vie digne d’un roman, qui sera un jour, espérons-le, l’objet d’un documentaire. Il y a en effet bien des pistes à remonter et à explorer : le pedigree chic (Steven Ellison est le petit-neveu d’Alice Coltrane), les exploits de jeunesse (être stagiaire chez Stones Throw), l’affiliation à une ville de cœur (Los Angeles, l’objet et le nom de son deuxième album, en 2008), l’entourage 5 étoiles (Kamasi Washington, Thundercat, Kendrick Lamar, dont il a coproduit le meilleur album à ce jour, To Pimp a Butterfly), la pluridisciplinarité (il a réalisé un film d’horreur plutôt comique, Kuso, en 2017), des collaborations hors de son terrain de jeux habituel (Thom Yorke)… Comme en atteste le mini-ovni Say Something, Flamagra est plus que jamais centré sur les claviers, survolant les frontières génériques et les humeurs avec une aisance assez géniale et une inédite sérénité. D’après Ellison, cette grande et belle œuvre a été pour lui “un refuge pour la douleur”. On confirme : en l’écoutant, les tracas du quotidien nous paraissent loin, si loin.
Album Flamagra (Warp/Differ-Ant)
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