Il y a quelques années, un refrain du moustachu Francis Cabrel disait en substance : “Tout ce que j’ai pu te dire, je l’ai puisé à l’encre de tes yeux.” Malgré sa jeunesse et son nom de scène, Yann Tambour, alias Encre, n’a, lui, jamais écrit de pareilles sornettes. Son encre personnelle n’a rien de […]
Il y a quelques années, un refrain du moustachu Francis Cabrel disait en substance : « Tout ce que j’ai pu te dire, je l’ai puisé à l’encre de tes yeux. » Malgré sa jeunesse et son nom de scène, Yann Tambour, alias Encre, n’a, lui, jamais écrit de pareilles sornettes. Son encre personnelle n’a rien de romantique, ni de fleur bleue. Elle est, au contraire, rageuse et colérique, parfois doucement amère.
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D’Encre, son premier album, à Flux, le verbe s’est raréfié. Tantôt réduit au silence instrumental ; tantôt infiniment bavard. Parmi les huit pièces qui composent ce second album, seules quatre d’entre elles voient s’imprimer le timbre noirci de Yann Tambour. Densément. Sur l’âpre Marbres, il éructe l’amorce d’un règlement de comptes masculin-féminin. Monologue cruel parachevé en ces termes féroces, chipés à un couple de soûlards en goguette : « C’est pas dans tes camions qu’on mettrait du génie, qu’il faut pour faire marcher des petites choses comme ça/Et puis casse-toi salope, non mais tu vois pas qu’ici, entre nous on est bien, et on n’a pas besoin de toi« ? La bestialité des mots d’Encre se meut ailleurs en une déclaration détournée d’amour et de stupre. Galant(es) détaille comme du Bataille la conquête clinique du corps de l’autre. Un sexe humecté, deux lèvres écartées, un clitoris englouti, un anus encerclé, un vagin habité viennent tour à tour pénétrer l’oreille jusqu’à l’orgasme.
Yann Tambour fonctionne de manière obsessionnelle. Et ses obsessions nourrissent sa musique. Elles ont été au cœur de la conception de Flux. S’il a mis tant de temps à paraître, sa production n’y est pas étrangère. Au lieu d’assembler des boucles, il enregistre cette fois-ci des kyrielles de microsamples réels (contrebasse, violoncelle, basse, batterie) et virtuels (piano, violon, rythmes électroniques, bruits, chuchotements, distorsions’). D’où l’incroyable dichotomie sonore de Flux : à la fois dense et ultra-arrangé, organique et délicat, spontané et exigeant. Non sans évoquer les univers de Smog, Godspeed You! Black Emperor ou Rachel’s sur lesquels veille l’ombre des héros Ferré et Brel, cet « orchestre improbable » parvient brillamment à faire de la dissonance une harmonie. Et vice versa.
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