Une petite heure avant son live au BIG Festival, calé sur une des murettes de la côte des basques à Biarritz, Flavien Berger a pris le temps de répondre à nos questions. L’occasion de revenir sur la génèse de son formidable « Leviathan », de parler de ses potes Jacques et Salut c’est cool, ou encore de la façon dont il envisage son avenir et ses collaborations.
Ce fut la première grosse secousse du Big Festival à Biarritz: lundi 11 juillet au soir, sur la plage de la côte des basques, face à la mer, Flavien Berger venait décliner les ondes sismiques de son Leviathan, un album sorti il y a un peu plus d’un an et dont on ne s’est toujours pas remis. « Il s’agit de coller à mes obsessions. Ce morceau parle du chiffre 8, qu’il suffit de renverser pour qu’il signifie tout autre chose, l’infini, un circuit fermé, une histoire d’amour à contre-sens… », lâche Berger, en se chauffant la voix sur l’énorme 88888888.
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Mise à feu d’un concert inspiré et fiévreux, entre ballades parfaitement chantées, tueries rock minimales toutes droit sorties du Suicide d’Alan Vega et envolées ambiant. Un très beau set que Berger finira pieds nus dans le sable au milieu de la foule.
Sorti il y a un peu plus d’un an Leviathan est une aventure pas encore totalement achevée visuellement. Tous les morceaux ont été clippés à l’exception de Saint-Donatien. Avais-tu dès le départ construit ce disque comme une boucle visuelle ?
Flavien Berger – On avait décidé du dogme avec Robin Lachenal, qui a réalisé La fête noire, assez tôt : nous voulions que cet apport visuel soit une création collective. Saint-Donatien va bientôt être clippé et viendra clore cette boucle. On s’est très rapidement pris au jeu de clipper. J’aime énormément faire des collaborations créatives. Je suis toujours hyper curieux de voir ce qu’un artiste, plasticien ou designer va créer a partir de ma musique. J’évolue dans un circuit indépendant, une micro-économie assez souple, donc cette démarche était assez facile à mettre en branle – grâce bien sur aux bonnes volontés de chacun.
Est-ce que cette démarche montre aussi qu’aujourd’hui faire un album se vit et se raconte différemment d’il y a encore quelques années ?
C’est évident. Avec Pan European, on n’a pas suivi la logique que les majors pourraient emprunter qui est de sortir des singles avant le disque, puis un maxi avec quelques morceaux de l’album dedans… En indépendant, il y a moins d’interlocuteurs, moins d’acteurs qui bossent sur l’album. Je suis directeur artistique autant que mon producteur l’est et autant que Robin Lachenal l’est pour le côté visuel.
On ne fait appel qu’à d’autres gens qui pourraient plaquer des idées ou des images sur la musique. Aujourd’hui je pense qu’un disque vit dans une continuité. Le live par exemple c’est une manière de faire vivre le disque autrement en le réinventant à chaque fois mais en respectant son épine dorsale.
Leviathan est difficile à transposer live en festival, comme ici au BIG ?
Non, c’est pas difficile, c’est juste kiffant. L’an passé j’ai joué à Calvi on the Rocks, à la Route du Rock et à Baleapop. Et j’ai tiré énormément de plaisir avec ces publics et ces jauges différentes. A Baleapop, j’ai joué juste avant la pluie au moment ou la soirée a basculé dans un gros love. A chaque fois je donne tout pour ceux qui sont venus.
Il y a énormément de nouveaux groupes excitants en France en ce moment, qui chacun à leur manière, que ce soit en hip hop, rock ou électro se réapproprient et font vivre très différemment le Français. As-tu l’impression de faire partie d’une scène ?
Je suis très content de notre époque, il y a beaucoup d’inventivité. En terme de famille je me sens très proche de Jacques et Salut c’est cool, qui jouent également au Big cette année. Dans les deux cas chez ces artistes il y a une façon d’envisager le projet qui est moderne : ça dépasse la musique, qui est un vecteur, un outil pour parler de notre vision du monde. On ne gère pas notre business musical comme un mec qui sait qu’il veut être chanteur depuis qu’il a douze ans et qui passe par les réseaux classiques.
On essaie de réinventer la façon de faire vivre nos disques et que cela dépasse le milieu de ma musique. On construit des œuvres régies par la curiosité et la bonhommie. Le monde est hyper cool à découvrir, il n’y a pas de cynisme, de tristesse ou d’ironie dans nos expériences. C’est quelque chose de très positif.
Salut c’est cool et Jacques je ne sais pas ce qu’ils vont faire demain. J’aime ça et je me sens un peu dans le même moment. Il y a plein de chemins possibles, il me reste à en sélectionner un et que ça soit le bon.
Tu enseignes toujours la vidéo ?
J’ai arrêté pour me consacrer entièrement à la musique. J’adorais faire ce boulot que j’ai fait pendant cinq ans. Mais depuis un an la musique prend le pas sur tout, et c’est une chance.
Tu as réalisé la bande son du dernier défilé d’Etudes Studio en juin dernier. Comment s’est passée cette collaboration ?
On s’est rencontré il y a quelques temps, Aurélien d’Etudes aimait ma musique et je connaissais leur démarche que je trouve forte. Il m’a proposé de faire la musique du défilé en me donnant le mood de la collection : le voyage, les travellers, la rouille, le vandalisme, les fleurs séchés. Je suis pote avec un collectif de graffeurs qui sont vraiment des hobos français : ils prennent des trains de marchandises en secret, ils voyagent en Europe sans savoir où ils vont. J’avais de la musique pour eux, une cassette qu’ils avaient embarquée dans leur aventure. J’étais donc déjà assez proche de ce côté traveller hobo.
Aurélien m’a laissé carte blanche. Je lui offert une palette, il a sélectionné, et j’ai retravaillé. J’aime les collaborations où je sens que la personne est vraiment curieuse de ce que la rencontre va générer, pas quand on vient et qu’on me demande : « Vas-y j’adore ce morceau que tu as fait. Est-ce que peux refaire quelque chose d’approchant ? » L’important c’est pas que ça ressemble à quelque chose, mais que je fasse.
Tu es sensible à la mode, au vêtement en tant que signe ?
Oui, au vêtement. J’ai un rapport au paraître ambivalent. J’ai des phases d’intérêt et de désintérêt. Ça dépend où j’ai passé la nuit, avec qui je suis. La mode m’intéresse parce que je suis sensible à la créativité et à la recherche. Je pense que c’est un laboratoire, une soupape nécessaire dans notre culture. J’avais déjà eu un rapport avec la mode, Nicolas Ghesquière avait utilisé Leviathan pour le défilé Vuitton. J’avais fait un edit d’Ocean Rouge pour une pub.
Bosser pour la pub ou la mode, ça t’a posé question ?
Non. D’autant que quand j’ai bossé pour la mode j’ai eu une liberté totale. J’ai posé la Fête noire sur une pub Axe. Ca me fait de l’argent pour pouvoir me concentrer sur ma musique. Je trouve que c’est un luxe.
Quelle est ton actu ?
Là, j’ai un été de concerts. À l’automne je vais me concentrer. Jusqu’à présent, je bossais deux jours sur ma musique, puis je filais donner des cours à l’école et faire des concerts. Là je vais pouvoir totalement me concentrer sur ma musique et ça va être fou ! J’ai hâte.
Tu vis où en ce moment ?
En ce moment je n’ai pas de maison.
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