Avec son romantisme froid et ses talents multiples, FKA Twigs est le visage arty d’une nouvelle génération de musiciens soul. Son premier album contribue à définir la pop du futur.
On l’a découverte en 2012 avec une série de vidéos illustrant les morceaux de son premier ep. Autoproduit, mis en écoute libre sur Bandcamp, EP1 était le bricolage d’une jeune Anglaise qui n’allait pas tarder à se faire remarquer. Un an et quelques millions de vues sur YouTube plus tard, la hype se sera comme prévu emparée de celle qui incarne le renouveau du r’n’b avec un style radical et intime.
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Car FKA Twigs est non seulement le signe d’une génération capable de tout sur internet, mais surtout une artiste complète dont le premier album vient enfin confirmer les attentes.
« Tout part de la musique«
Tahliah Barnett est née à Cheltenham, dans le Gloucestershire. Sa mère est danseuse et son père trompettiste amateur ; tous deux sont mélomanes. Tahliah deviendra Twigs sans rébellion, toujours encouragée à pratiquer le ballet, le gospel, l’opéra. Ce qui n’en fera pas vraiment la star du lycée. A 17 ans, elle part pour Londres et assume pleinement son nom d’artiste (“twigs” veut dire “brindilles” en anglais, un surnom venant de ses os qui craquent bruyamment). A partir de là, elle évoluera en tant que danseuse, apparaissant dans un tas de clips de Kylie Minogue, Ed Sheeran, Jessie J… Mais depuis toujours, c’est bien la musique qui semble guider sa vie.
“Tout part de la musique. Sans ça, je ne danserais pas et je ne ferais pas de vidéo. C’est une pensée globale. C’est d’ailleurs difficile de dire quand j’ai commencé à m’intéresser à la musique et à la danse. J’ai toujours été très créative. La différence c’est qu’avant je m’exerçais dans mon salon, et que maintenant je m’adresse au monde. »
A 26 ans, Twigs est devenue FKA Twigs, désormais signée sur le label défricheur Young Turks (The xx, Chairlift, Sampha). Elle y a sorti un deuxième ep en 2013, sur lequel on retrouvait ses premiers vrais succès, Water Me et Papi Pacify. Produit avec Arca, EP2 évolue toujours selon l’idée très pop art de la série, et continue d’être illustré par des clips minimalistes et fascinants, très beaux, que les réseaux se chargeront de faire circuler de plus en plus massivement. Un an après exactement, FKA Twigs publie son premier album, logiquement titré LP1.
Deux ans donc qu’on l’attendait, lui qui devait prouver pour de bon les talents mystérieux d’un pur produit de la coolosphère en ligne. Mais cette attente, FKA Twigs n’a pas l’air de s’en être souciée : “Je suis une personne assez calme. L’excitation ne m’atteint que rarement. Je ne laisse pas les choses me mettre la pression.” C’est l’assurance de toute une génération qui s’exprime.
Le spectre de la nouvelle soul
En deux ans, il n’y a pas qu’elle qu’on a vu émerger dans le spectre désormais riche de la nouvelle soul. Pendant que le deuxième album de James Blake, Overgrown, flirtait avec Brian Eno puis recevait le Mercury Prize l’année dernière, on découvrait chaque semaine une nouvelle plume passionnante, à mi-chemin entre r’n’b et ambient-music.
Sohn, Banks, Ango, Rosie Lowe, Fyfe, Kwamie Liv, Josef Salvat, Ben Khan… tous ont le sens mélodique qui contribue au retour en grâce des 90’s, et la culture électronique permettant des instrus taillés au laser, qui renversent l’évidence du chant avec des machines sophistiquées. Est-ce du post-dubstep ? de la house déstructurée ? du trip-hop rénové ? Difficile à dire.
“Je ne peux pas définir ma musique. C’est ridicule comme questionnement. Il faut arrêter de toujours vouloir intellectualiser et analyser les choses. Je profite simplement de ce que je fais. D’ailleurs je n’écoute pas beaucoup de musique. Je n’ai pas d’influences précises. Les idées surgissent d’elles-mêmes.”
Définir l’avenir
C’est peut-être ce lâcher-prise, cette distance, ce refus de trop penser qui fait de LP1 le pur reflet d’une époque. Comme si la culture contemporaine transparaissait à travers ces pop-songs qui n’en sont pas, et que ces vagues de sons insaisissables, quoique souvent obsédants, avaient pour but inconscient de définir l’avenir.
Si l’on en croit les (pré)visions de Two Weeks, Pendulum ou encore Closer, la pop serait ainsi bientôt l’expression d’un blues savant et universel, une sorte de fado de l’espace, la musique religieuse de posthumains ayant calmé l’éternelle folie des sentiments. FKA Twigs :
“Tout ce qui compte pour moi, c’est de faire des choses qui me rendent heureuse. Je pourrais arrêter la musique demain si ce n’était plus le cas. Je me sens capable d’abandonner n’importe quoi et n’importe qui sur Terre. Depuis l’enfance, j’ai toujours été comme ça : si quelque chose ne me plaît plus, j’arrête et je disparais.”
Concert le 14 Octobre à Paris (La Maroquinerie)
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