A Liverpool, au début des eighties, les filles ne parlaient que de ça : des beaux yeux bleus de Peter Coyle, de l’incurable romantisme de ses chansons exaltées, de la guitare aux arpèges clairs de Jerry Kelly (les Wild Swans, qui possédaient tout ça et plus, venaient de se séparer). Les garçons, eux, s’habillaient en […]
A Liverpool, au début des eighties, les filles ne parlaient que de ça : des beaux yeux bleus de Peter Coyle, de l’incurable romantisme de ses chansons exaltées, de la guitare aux arpèges clairs de Jerry Kelly (les Wild Swans, qui possédaient tout ça et plus, venaient de se séparer). Les garçons, eux, s’habillaient en noir et écoutaient Echo & The Bunnymen ou en vert martien et tentaient de suivre Teardrop Explodes. Comme il ne pouvait décemment pas y avoir deux groupes aussi sentimentaux et angelots dans la même ville, les Lotus Eaters et les Pale Fountains décidèrent d’un Yalta après leurs tubes respectifs : l’adorable First picture of you pour les premiers, le grandiloquent Thank you pour les seconds. Après ces démarrages lumineux et bucoliques, les Pale Fountains garderaient pour eux seuls la part d’ombre, laissant aux inoffensifs Lotus Eaters le sucre et les midinettes. L’un s’emparerait de Love, l’autre des love-songs. Une réputation, à peine injuste, affirme même que les Lotus Eaters étaient des neuneus, voire des têtes de noeud : le prix à payer pour la gentillesse et la joliesse dans le rock. Le prix à payer, également, pour avoir porté ses pulls de laine à l’intérieur de son pantalon. Bien des années plus tard, leur leader Peter Coyle revendiquera lui aussi son droit à l’étrange, enregistrant en solo des albums effrayants, bouffés par la drogue, avant de devenir un passionnant et éphémère producteur de house (on lui doit le Sly one outrageusement sexy de Marina Van Rooy). Jamais réédités dignement en CD, les Liverpudliens se rappellent à notre nostalgie (l’été 83) par le biais de Peel Sessions sauvées des eaux du Mersey. A côté de l’inusable et troublant First picture of you on l’a toujours gardé en poche, comme les filles conservent des petits coeurs en or couverts de mensonges dans leurs coffrets , on se laissera paresseusement harponner par When you look at boys ou quelques autres brindilles de pop-songs bien dégagées sur la nuque, naïves et tendres. En fermant les yeux (c’est dur) sur une production étriquée, on s’abandonnera à l’occasion dans les bras frêles d’un spleen bêtassou (on n’aimait même pas ces chansons à l’époque). Une torpeur aussi doucereuse qu’honteuse on est adulte, après tout, non ?
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