Enfin apaisé, Miossec est de retour avec Finistériens, septième album coécrit avec Yann Tiersen. Rencontre en Bretagne, où il s’est mis au vert.
On est encore dans le train à regarder défiler la Bretagne par la fenêtre que le téléphone portable vibre déjà. C’est la femme de Miossec. “Christophe vous attend à la gare de Brest, il est en voiture. On a réservé un petit restaurant en bord de mer, vous allez être bien là-bas pour déjeuner”, dit-elle d’une voix douce. On descend sur le quai en cherchant les yeux translucides du gars Miossec, qu’on trouve finalement coincé, discrètement, près de la sortie.
T-shirt et pantalon noirs, tongs aux pieds, il s’avance avec le sourire – et une canne. Une opération au genou qui a un peu dégénéré, rien de grave. La voiture est au parking, un break gris. Coup d’oeil aux CD rangés près de la boîte de vitesses pendant que Miossec sort du parking : un disque de Juliette Gréco, un autre de reprises de Leonard Cohen.
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“On ne va pas rester à Brest, j’en ai fait tellement, des interviews ici.” Exit donc la rade, le port ou ce qu’il en reste, le vent dans la rue Jean-Jaurès. A nous les départementales bretonnes, à tailler le bout de gras en compagnie d’un Miossec timide, mais avec qui l’on partage des silences sereins. “On parlera du nouvel album plus tard, hein”, dit-il brusquement avec le sourire, en passant une vitesse. On discute donc du Paraguayen Roberto Cabañas, qui vient d’être élu meilleur joueur de l’histoire du Stade brestois. “C’est assez mérité, enfin je crois”, sourit-il. On parle bouffe. Visiblement apaisé, le chanteur raconte sa vie bretonne, loin des tumultes. Amis fidèles, soirées tranquilles, d’autres moins tranquilles mais qui se font rares. “C’est pas comme quand j’étais à Paris ou à Bruxelles. A un moment, j’ai eu besoin de prendre un peu le large. La Bretagne, c’est le bon endroit pour ça.”
On arrive au restaurant Les Mille et Une Lunes, des enfants remontent de la plage en combinaison, une petite planche de surf sous le bras. Des chiens chahutent, la mer est loin, le soleil dépasse d’un nuage. “On va brancher le magnéto, on fait ça sous forme de conversation. C’est mieux, non ?”, propose-t-il. La parole, entre deux commandes, est pleine de pudeur, comme à son habitude. Le disque a été réalisé avec Yann Tiersen et s’appelle assez logiquement Finistériens. Pourtant, les deux Bretons se sont rencontrés à Paris il y a seulement quelques années. “J’avais dit à Yann que j’aimais beaucoup une de ses chansons, je pensais qu’il l’avait composée pour Dominique A. Il m’a répondu que c’était Dominique qui l’avait écrite. C’est notre première rencontre. Pas terrible, hein ? Après on s’est revus en Bretagne, à Ouessant, on a des amis communs. On ne parlait pas trop de musique.”
C’est Tiersen qui a l’idée de la collaboration. “Yann a toujours eu un avis très critique sur mon boulot. Il trouve que certains de mes disques sont mal enregistrés, mal arrangés, mais ça me démonte pas, c’est plutôt constructif.” Le regard porté au loin, sur la mer, Miossec plante paisiblement le décor de ce septième album. Un disque imposant, à l’écriture simple, précise et poignante (Seul ce que j’ai perdu, magnifique morceau de bravoure rentrée qui ouvre l’album), que le Brestois raconte avec un détachement troublant.
Comme si l’intervention de Tiersen l’avait délesté de quelque chose, de la responsabilité permanente et pesante qu’il entretenait jusqu’ici avec son oeuvre – car Miossec est certainement l’un des artistes français qui porte le regard le plus lucide et le plus critique sur son parcours enviable. “Un jour, Yann m’a dit que ça serait bien qu’on fasse un disque ensemble, je lui ai dit ouais… et fin de la conversation, s’amuse Miossec, alors que les plats arrivent sur une petite table. Et quelques mois plus tard, il m’a envoyé une maquette des Philippines, où il était en vacances, je crois. Des trucs à la guitare, très simples. J’ai ajouté des paroles et j’ai écrit des musiques de mon côté. Je me disais qu’ensuite, on se donnerait des rendez-vous chez lui, à Ouessant, pour enregistrer tout ça. Ça me plaisait l’idée de faire des allers-retours en bateau. Mais son studio était à Paris.”
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