La griffe du passé. La réédition de splendides partitions de BO permet de redécouvrir l’univers musical des cinéastes hollywoodiens. Le label Nonesuch, qui s’est souvent distingué par le raffinement de ses productions (par exemple, les disques du guitariste Bill Frisell), vient de lancer une nouvelle collection entièrement dévolue à la revisitation d’importants compositeurs de musiques […]
La griffe du passé. La réédition de splendides partitions de BO permet de redécouvrir l’univers musical des cinéastes hollywoodiens.
Le label Nonesuch, qui s’est souvent distingué par le raffinement de ses productions (par exemple, les disques du guitariste Bill Frisell), vient de lancer une nouvelle collection entièrement dévolue à la revisitation d’importants compositeurs de musiques de film. En dépit de quelques préventions sur la réinterprétation des musiques de cinéma plus ou moins justifiées par des déceptions antérieures, la première livraison attire immédiatement l’attention par la haute précision des enregistrements, le choix des compositeurs et du répertoire et la qualité des notes de pochette. On peut passer vite sur le CD consacré à Delerue qui échoue en partie à restituer l’apparente limpidité des musiques des films de Truffaut que l’on connaît par ailleurs déjà très (ou trop ?) bien. Il n’en va pas de même pour les trois autres.
De cette série, l’album le plus remarquable est sans doute celui qui permet de redécouvrir le grand Alex North, véritable rénovateur de la musique hollywoodienne dès le début des années 50. North, rompant avec les canons légèrement emphatiques de musiciens comme Max Steiner ou Franz Waxman, propose une musique qui flirte aussi bien avec Bartók particulièrement la partition de The Bad seed, très proche des concertos pour piano du compositeur hongrois , Stravinsky, le jazz, Gershwin ou la musique populaire. Il faut écouter absolument la musique d’Un Tramway nommé désir, qui annonce celle de L’Homme au bras d’or d’Elmer Bernstein ou celle de Spartacus (et son sublime thème amoureux souvent joué par Bill Evans) dans les splendides versions d’Eric Stern et du London Symphony Orchestra pour prendre la démesure de North, géant aux pieds d’argile qui meurt en 1991 et qui aura signé entre-temps des partitions aussi essentielles que celle du Cléopâtre de Mankiewicz ou de The Dead, testament artistique de John Huston.
Le cas de Leonard Rosenman, plus méconnu encore, n’est pas sans rapport avec celui de North. Rosenman propose lui aussi une synthèse musicale, assez proche de Leonard Bernstein ou d’Aaron Copland mais parfois mâtinée du Schönberg américain, marquée par une lecture plus franchement moderniste de la musique hollywoodienne. Les partitions qu’il a composées pour A l’est d’Eden ou La Fureur de vivre ont sans doute un peu vieilli mais elles ont le charme curieux et souvent émouvant des formes héroïquement hybrides.
Dernier de la série, le CD consacré au Japonais Toru Takemitsu est le seul qui propose des versions dirigées par le compositeur lui-même. Takemitsu, très reconnu dans les milieux de la musique contemporaine, a aussi travaillé pour Oshima, Kurosawa, Teshigahara, Imamura ou Kobyashi. Ses musiques pour le cinéma sont d’un raffinement extrême et d’une étrange beauté. Elles sont à découvrir absolument.
Film music series (4 CD) : Georges Delerue par Hugh Wolff, Alex North par Eric Stern, Leonard Rosenman par John Adams, Toru Takemitsu (Nonesuch/Warner Classics)
Thierry Jousse
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}