En quittant Paris pour s’installer sur la Côte Est des Etats-Unis, Frédéric Blasco n’est parti très loin que pour s’enfoncer plus profondément en lui-même. Et en ramener un Film d’une neurasthénie aussi intransigeante qu’indispensable. Au lieu de s’enivrer de vitesse sur les freeways, ses chansons restent calfeutrées entre cuisine et draps froissés ou (clin […]
En quittant Paris pour s’installer sur la Côte Est des Etats-Unis, Frédéric Blasco n’est parti très loin que pour s’enfoncer plus profondément en lui-même. Et en ramener un Film d’une neurasthénie aussi intransigeante qu’indispensable. Au lieu de s’enivrer de vitesse sur les freeways, ses chansons restent calfeutrées entre cuisine et draps froissés ou (clin d’œil à Jim Jarmusch ?) entre café et cigarettes. Car les sentiments y partent en fumée (Candy) ou tombent en miettes au petit déj (Go). Mais de ses histoires grisâtres Blasco a tiré des chansons grisantes, dont les mélodies princières percent le cœur, éveillent les sens et aèrent le cerveau. Puis les a dotées de refrains à décollage vertical (Face, à l’essor positivement ensorcelant) et décorées d’arrangements à taille de guêpe et dard de Cupidon. A deux pas des Blue Ridge Mountains, où se distillent depuis des générations les chansons les plus mélancoliques du monde, le folk fiévreux de Blasco a trouvé des amis précieux (autrefois rencontrés chez Sparklehorse) et des instruments bon marché. Des percussions tintinnabulantes, un piano jouet et un chant superbement embrumé dessinent ainsi les contours farceurs d’une contrée changeante, où des Tindersticks rustiques (Yours) croisent un Nick Drake éploré devant une tasse de café froid (Go), tandis qu’un cowboy au cœur en écharpe sifflote dans le lointain (Clock) et qu’un vieux titre d’album de ZZ Top (Deguello, soit « pas de quartier ») cherche désespérément ses guitares raseuses et ses barbes tueuses. « En panne de métaphores », Blasco emprunte ainsi à la légende sanglante du Texas les trompettes qui annoncèrent aux défenseurs de Fort Alamo leur mort prochaine. Et s’en sert pour notifier une rupture sans appel. Projetés sur l’immense écran des mythologies américaines, les fruits amers de l’introspection à la française se parent alors de magie funèbre, les baïonnettes mexicaines ne transperçant la poitrine de Davy Crockett que pour toucher le cœur inconsolé de nos détresses intimes.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}