Affranchie de ses glorieux parents, CALYPSO VALOIS dévoile « Cannibale », ouvrage où elle s’approprie toutes les nuances de la pop frenchy et chic. En concert au festival des inRocKs le 25 novembre prochain.
Dans son livre d’entretiens avec Albert Algoud, paru en 2006, Jacno raconte que, dès le berceau, sa mère lui faisait entendre Chopin et Mozart pour le calmer. “Leur écoute, si jeune, a été déterminante pour le reste de ma vie”, concluait celui qui deviendrait plus tard, notamment avec le menuet électronique Rectangle, une sorte de Chopin de l’âge atomique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Si Calypso Valois a pris le nom de sa grand-mère, c’est parce qu’elle fut également pour beaucoup dans son éveil musical, et dans son éveil tout court, lorsque ses parents trop affairés à réinventer la pop hexagonale sous le nom d’Elli & Jacno, puis chacun en solo, confiaient leur fille à cette dame aux goûts exquis. Pour Calypso aussi, Chopin fut donc la première idole, à l’âge où d’autres se mordaient les lèvres pour des vedettes plus vivantes mais assurément moins vibrantes : “J’avais 5 ans et j’étais fascinée par le fait qu’une personne ayant vécu dans un autre siècle parvienne à exprimer ce que je ressentais, sans paroles, juste avec de la musique.”
Calypso harcèlera ainsi ses parents pour obtenir un piano, mais pendant longtemps la musique restera un refuge sans but, et la musique classique une lubie anachronique pour une ado des années 1990. Celle qui demandera secrètement à sa mère qu’un ami souvent de passage devienne son parrain va donc un jour débarquer dans la musique avec un poids considérable sur les épaules : fille d’Elli et de Jacno, filleule d’Etienne Daho.
Le cinéma, Etienne Daho, et Yan Wagner
Jacno n’est malheureusement plus là pour entendre les chansons pointilleuses de Cinéma, le groupe qu’elle forme alors avec Alexandre Chatelard, mais il aurait reconnu sans mal des traces de son ADN dans ces mélodies électroniques aux angles tranchants (UV) ou dans les mouvements circulaires d’un morceau malicieusement intitulé Papamaman. Daho, en revanche, veille toujours, et lorsque Cinéma baisse le rideau, c’est lui qui encourage Calypso à se lancer en solo, allant jusqu’à financer les premières maquettes qui aboutiront deux ans plus tard à ce premier album, Cannibale, après une paire de singles (et de clips) qui ont réduit au silence les chasseurs de “fils et filles de…” planqués derrière les bosquets anonymes des réseaux sociaux.
L’un de ces rageux, sans doute un top model, lui a toutefois ruiné une belle journée de printemps en postant sous l’un de ses clips un commentaire très élégant disant qu’elle n’avait rien hérité de la beauté de ses parents. Le charme un peu sauvage et étrange de Calypso a pourtant séduit des cinéastes comme Olivier Assayas, Michel Gondry ou Catherine Corsini, et là encore son livret d’état civil n’a en rien aidé à enjamber les castings. Alors qu’elle assure la promo de Cannibale, elle fait des allers-retours en Europe de l’Est pour tourner un film sur la vie de Rudolf Noureev sous la direction de l’acteur et réalisateur britannique Ralph Fiennes.
Heureusement que l’expression it-girl n’est plus cotée, car en l’espèce elle coche pas mal de cases. Réalisé par Yan Wagner mais entièrement écrit et composé par Calypso Valois, ce premier album décuple les promesses entrevues à travers Le Jour, son cinglant premier single, ou encore Vis à vie et ses penchants discoïdes. Les neuf autres titres dévoilent autant de nuances que le registre pop frenchy et chic en propose en catalogue. On pense par exemple au Chamfort des années Gainsbourg quand tombe La Nuit, l’un des rares titres à faire explicitement référence aux années 1980, l’ensemble slalomant avec adresse entre les modèles déposés trop stériles pour se forger une identité propre et décomplexée, parfaitement orchestrée par Wagner. “Je ne suis pas quelqu’un de sombre dans la vie, mais lorsque je compose, j’ai tendance à aller plus volontiers vers des atmosphères plutôt dark. Yan a réussi à apporter de la lumière et de la légèreté dans mes morceaux, qui ont beaucoup gagné par cette transformation.”
L’évanescent Surprise-partie ramène aux musiques de films des années 1970, comme les claviers d’Amoureuse rappellent ceux de John Barry, Calypso ayant pas mal écumé des BO, en prolongement du classique, pour se faire la main sur des compositions qui dépassent avantageusement les contours de l’electro-pop. Le caractère tour à tour effronté et rêveur de la fille qui parle dans ses chansons est également à bonne distance d’elle-même, pour mieux rester “impossible à apprivoiser”, comme elle le chante sur le dernier single clippé par le cinéaste Bertrand Mandico, dans une ambiance de bacchanale baroque et licencieuse. Chopin mène à tout.
En concert au festival des inRocKs, le 25 novembre à la Gaîté lyrique (Paris)
{"type":"Banniere-Basse"}