Dans son autobiographie, le compositeur américain George Antheil s’est proclamé le “bad boy” de la musique. La présente monographie vient d’abord nous montrer que, nonobstant une certaine nostalgie liée aux années 20, tous les mauvais garçons finissent un jour par s’assagir. On connaît l’itinéraire du peintre dadaïste George Grosz qui eut beau intituler ses mémoires […]
Dans son autobiographie, le compositeur américain George Antheil s’est proclamé le « bad boy » de la musique. La présente monographie vient d’abord nous montrer que, nonobstant une certaine nostalgie liée aux années 20, tous les mauvais garçons finissent un jour par s’assagir. On connaît l’itinéraire du peintre dadaïste George Grosz qui eut beau intituler ses mémoires Un Petit oui et un grand non : l’Amérique n’aura plus chez lui le goût de vitriol du Berlin de la République de Weimar, celui qui séduit à son tour Antheil après 1920. L’album permet par la même occasion d’apprécier une grande partie du parcours passionnant de celui qui aurait pu être un héros haut en couleur de roman américain. On le retrouve chez lui au milieu des années 30 où il succombe d’ailleurs à la plume du polar et présente, nul n’est parfait, les plans d’une torpille militaire, après avoir sacrifié aux pièges du néoclassicisme. Ce sera le Concerto de chambre (1932), digne pendant des mauvaises partitions de Milhaud. Le meilleur Antheil, on le trouve à partir de 1919, dans ces embryons de style mécaniste non encore maîtrisé et cette influence stravinskienne conjuguée à un frénétisme qui laisse libre cours aux tournures populaires (Sonate pour violon n° 1). La course vers la saturation rythmique et timbrique annonce la signature Antheil. Du fameux Ballet mécanique, on retient le timbre blanc libéré de toute contingence tonale, aspirant à travers le mouvement tous les fantasmes de l’époque. C’est le monde du film muet qui célèbre la fête foraine, les machines, les pas sur le pavé. A Paris, justement, on faisait jadis grand cas d’Antheil, toujours fourré avec les plus grands noms de l’époque, notamment Yeats pour qui il écrit la musique de Fighting the waves.
Par son itinéraire iconoclaste, ses faiblesses et ses contradictions idéologiques, Antheil est le digne enfant de l’entre-deux-guerres : l’observateur lucide d’une époque aussi fascinante que déstabilisante. C’est bien ce que nous suggère, à travers de superbes arrangements et une ligne directrice on ne peut plus solide, le présent album. Quand on sait qu’il a été concocté par l’atypique mais incontournable HK Gruber, auteur il y a quelques années d’une anthologie Kurt Weill à couper le souffle, il n’est désormais plus permis de s’en passer.
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