Aussi discrets que leur musique est exubérante, les frères Brewis, alias Field Music, ajoutent un cinquième chapitre à l’une des plus belles aventures musicales des dix dernières années.
Il existe au moins deux manières de grandir frères et musiciens au nord de l’Angleterre. Depuis dix ans, Peter et David Brewis apportent la preuve que l’on peut cohabiter en harmonie au sein d’un même groupe sans que les liens du sang ne finissent par se coaguler en Gallaguéguerre fratricide et narcissique. Certes, les Brewis sont originaires de Sunderland, sorte de division d’honneur de la pop britannique quand Manchester en serait la Premier League, et cela préserve des gonflettes d’ego.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Comme ils n’ont jamais décroché non plus le moindre hit single, ni les gros titres de la presse musicale, que leur nature, de surcroît, est plutôt timide et affable, chez eux la musique occupe seule le premier plan et c’est très bien ainsi. L’œuvre en cours qu’ils bâtissent ensemble sous le nom de Field Music, ou séparément dans leurs jardins solo (School Of Language pour David, The Week That Was pour Peter), forme l’un des champs magnétiques les plus séduisants et stimulants de la pop contemporaine, le nouveau Commontime représentant à leur échelle un genre d’apothéose des dix années écoulées.
“Lorsque nous avons sorti notre premier album, en 2005, nous l’avons baptisé Field Music parce que nous ne pensions pas qu’il y en aurait un deuxième, confie Peter. Nos attentes étaient très modestes, au mieux on se disait que nous avions fait une sorte d’album culte que les gens découvriraient dans trente ans comme les disques des Left Banke. Finalement, nous sommes toujours là, un peu à l’écart de la compétition mais à l’abri aussi des turbulences.”
Déclaration d’intentions et autres joies
Commontime démarre d’ailleurs par une déclaration d’intention baptisée The Noisy Days Are Over, single majestueux dont l’apparition en amont de l’album leur a valu un retweet improbable de… Prince. Un morceau comme I’m Glad, dont les chœurs rappellent par ailleurs la “plastic soul” de Bowie période Young Americans, aurait pu figurer quasiment sans retouche dans le répertoire eighties du Kid de Minneapolis, l’art méticuleux et érudit des frères Brewis ayant cette élasticité unique qui leur permet de papillonner tant sur les terres fertiles de l’empire en stuc XTC que dans les marécages royaux de King Crimson ou au-dessus des principautés funky.
Ce cinquième volet est sans doute le plus direct et accrocheur de leur discographie, la mélodie ayant repris cette fois le pouvoir :
“Nous avons beaucoup écouté de hits pop, confirme David, et le refrain fut cette fois placé au centre de nos préoccupations, alors que nous avions tendance ces dernières années à privilégier les structures en escaliers, voire en labyrinthes…”
Si les quatorze morceaux qu’ils enchaînent ici semblent toujours en contenir le double ou le triple, la richesse de leurs arrangements en trompe l’œil laisse toutefois percer une forme de candeur retrouvée qui éblouit véritablement sur les délicats The Morning Is Waiting et They Want You to Remember ou sur le pigeonnant But Not for You. Une musique fraternelle, dans tous les sens du terme.
{"type":"Banniere-Basse"}