Au festival Exit de Créteil, le théâtre envoie de ses (bonnes) nouvelles du monde entier.
La contrebande, voici quel pourrait être l’esprit d’Exit. Difficile de se situer en marge, en fracture de styles, de censures, de langues. Car il ne s’agit pas que de trajectoires d’artistes. » Didier Fusillier, directeur de la Maison des arts de Créteil, met d’emblée la barre assez haut. Dans un paysage théâtral quelque peu ossifié, il demande au public de « se glisser là où s’oublient peu à peu les références chargées de certitudes ». Fort de son expérience de Maubeuge (lire nos pages Popus), il nous propose pendant deux semaines un périple autour de la planète avec escales à Kyõto, Pékin, Berlin, Copenhague, Moscou, Hawaii et Oran. Là où l’image du théâtre français apparaît aujourd’hui vieillie, sans prise sur la réalité, en un mot, ringarde, où le théâtre est trop souvent vécu comme le véhicule de l’excellence de la langue française, il démontre avec ce festival que « c’est aujourd’hui l’art le plus moderne.
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C’est aussi l’art le plus simple, le plus artisanal. Dans des pays où l’accès à la vidéo, au cinéma ou à l’édition reste très problématique, voire dangereux, on peut toujours faire du théâtre. C’est aussi la relation la plus directe : un acteur parle à un spectateur. »
Le programme a été établi comme un carnet de voyage. A Pékin, pas question de voir les productions de Mou Sen, alors on passe une nuit entière à écouter le récit et les commentaires, seconde par seconde, de son spectacle. Depuis, ce dissident a passé la frontière, mais ne peut plus retourner en Chine. Même aventure à Kyõto, impossible pour le metteur en scène Teji Furuhasi de montrer des spectacles où les comédiens sont des prostituées, des acteurs de théâtre porno ou des drag queens. Mais la règle n’est pas d’enfermer la programmation dans un carcan humaniste déculpabilisant qui consisterait à donner la parole à tous les marginaux et dissidents de la terre. A Moscou par exemple, Didier Fusillier a choisi Ivan Poposki qui, pour rien au monde, ne quitterait la très officielle Académie d’art théâtral de la Russie. A Copenhague, Hotel Pro Forma opère sur des modes très plastiques, et devient aujourd’hui un groupe reconnu. Quant aux Berlinois des Dead Chickens, ils vous concoctent une nuit Berlin Cabaret Destroy où, entre vrais-faux combats de boxe à la Tex Avery et concerts de hard-rock, on pourra saisir un bref aperçu de ce que la scène berlinoise transmet de l’ancien Berlin qui n’existe plus et du nouveau qui reste à réinventer.
Didier Fusillier engage ici le plus dur des combats : proposer au spectateur des attentes mystérieuses. « La Maison des arts de Créteil, lieu sacré de mystères où le spectateur s’arrête un moment et essaye de déceler des parcelles d’identité… ». En mai, faites ce qu’il vous plaît et prenez donc quelques vacances à Créteil.
Pierre Hivernat
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