Bientôt à l’âge de raison, le Festival de Tours joue l’ouverture à tous les vents chorégraphiques.
Six ans déjà que Daniel Larrieu est l’un des rares directeurs de Centre chorégraphique national à ouvrir les espaces qu’il investit dans sa ville réputée pour son conservatisme de haut vol à la danse des autres. Six ans que le corps fait des siennes à Tours avec le bien nommé festival Le Choré-graphique. Un sujet devenu depuis très en vogue si l’on en croit le nombre d’articles, de revues, de livres ou de thèmes de festivals qui font référence au corps. Il y a d’abord ceux qui partent directement du matériau. Alain Buffard, avec Intime/Extime suivi de MORE et encore, l’enferme ainsi dans un collant dans lequel sont fourrées des petites billes blanches de polystyrène et le déforme à volonté, fait jouer à fond l’expression « être bien (ou mal) dans sa peau ». Trituré, malaxé, roulé comme une pâte à modeler, retourné comme une vieille chaussette, il se retrouve à nu. Puis confondu avec l’autre, il se transforme en formes gémellaires siamoises, androgynes, qui s’imbriquent puis se détachent pour finir séparées en deux entités. C’est alors que le trouble est une nouvelle fois jeté sur scène, cette fois à travers le langage. Le corps d’Intime/Extime n’est jamais celui que l’on croit. Dans le même registre, Xavier Leroy, avec un spectacle intitulé Self-unfinished, nous perturbe totalement dans notre perception habituelle de l’Homo sapiens. Par le truchement de positions dignes des yogis, Xavier Leroy prend des allures de poulet prêt à être enfourné, nous nous prenons à imaginer une grosse amibe, à moins que ce ne soit une patate comme celle des dessins animés, l’étrangeté est reine. On ne sait plus où se trouve la tête, si ce sont les bras ou les jambes que l’on distingue et l’on finit même par douter que la masse rose sans queue ni tête qui se meut sur le sol soit bien du genre humain. Mais Le Choré-graphique, c’est aussi l’occasion de (re)découvrir quelques étrangers qui ne voient pas forcément le corps du même oeil, à l’instar de Vera Mantero, danseuse et chorégraphe d’origine portugaise qui interprète le corps en minimaliste convaincue, à travers des figures mythiques telles que Joséphine Baker ou Nijinski. On retiendra aussi la nouvelle création de l’Américain Mark Tompkins, le toujours formidable couple franco-catalan, Brigitte Seth et Roser Montló-Guberna, et la Montréalaise Lynda Gaudreau. Le Choré-graphique est aussi l’occasion pour Daniel Larrieu de montrer sa nouvelle création qui s’intitule Feutre. Si on a parfois la sensation que la danse contemporaine se cherche pour elle et à travers ses prismes et se produit en circuit autophage, Le Choré-graphique, en exposant une palette aussi large, ouvre les perspectives et opère un travail pédagogique, permettant au néophyte d’appréhender différents champs d’investigation, la qualité étant toujours au rendez-vous. Comme tout festival ayant démontré ses capacités à attirer les curieux, Le Choré-graphique a désormais son festival Off auquel on souhaite bon vent bien entendu. A Tours, la danse ne tourne décidément pas en rond.
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