Pour les 25 ans du Tresor, un festival XXL était proposé du 21 au 24 juillet.
Club historique de Berlin, le Tresor est un peu à la techno ce que le CBGB de New York fut au punk : un repaire – et un repère – légendaire. Si le CBGB a dû débrancher les amplis définitivement en 2006, après plus de 30 ans d’activisme, le Tresor, longtemps pris en ligne de mire par les autorités, fait toujours tourner les platines et, bénéficiant sans doute de l’engouement persistant dont jouit Berlin depuis le début des années 2000, semble désormais solidement implanté dans la capitale allemande. Ouvert en mars 1991 sur les décombres du Mur, dans le no man’s land qu’était alors la Potsdamer Platz, le club fête cette année ses 25 ans d’existence.
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Afin de marquer le coup, un festival XXL était proposé du 21 au 24 juillet. Pour l’occasion étaient réquisitionnés trois lieux, inscrits tous les trois dans l’immense enceinte d’une ancienne centrale électrique, située à Kreuzberg près de la Spree : le Tresor (qui se trouve ici depuis 2007), la Kraftwerk (partie centrale du bâtiment, utilisée seulement de temps en temps) et le Ohm (mini club très stylé). Se déroulant du jeudi soir au lundi matin en quasi non-stop, les réjouissances – en grande majorité des DJ-sets, agrémentés de quelques live – promettaient de vivre une expérience plutôt intense, d’autant que le programme, long comme une nuit sans fin, mêlait de manière très stimulante vétérans et jeunots, tous réunis le temps d’une sacrée tambourinade.
Tout, bien sûr, ne fut pas exaltant. Ainsi, par exemple, le live de Borderland (alias Juan Atkins et Moritz von Oswald) a-t-il paru bien terne et convenu, plusieurs crans en-dessous de leur récent album Transport, nettement plus substantiel. Ainsi encore a-t-on trouvé particulièrement insipide la mixture servie au Ohm dans la nuit du samedi au dimanche par Patrice Scott, Daniel Bell et Fumiya Tanaka : de la techno tellement minimale – pour ne pas dire minimolle – qu’elle en devient presque subliminale… Si l’on était à la recherche d’un équivalent sonore de la camomille, cela pouvait éventuellement faire l’affaire – sinon, mieux valait déguerpir et aller promener ses tympans ailleurs.
En dépit de ces inévitables petites chutes de tension, l’ensemble des opérations s’est hissé à un niveau élevé, faisant résonner la techno dans toute sa splendeur et sous diverses facettes. Soulignons les belles interventions des forces françaises, en particulier DJ Deep, Zadig et Roman Poncet, qui a clôturé en beauté les hostilités sur la scène de la Kraftwerk. Saluons également les performances des représentantes de la gent féminine (très minoritaires, comme d’habitude…), parmi lesquelles Dasha Rush, Helena Hauff, Magda El Bayoumi et Claudia Anderson, cette dernière ayant fait spécialement forte impression avec un mix funky en diable.
Pour le reste, se détachent notamment les DJ-sets bien frappés de James Ruskin et Pacou (deux vieux habitués de la maison), celui survitaminé de Robert Hood (l’un des grands maîtres de Detroit), celui impeccablement exécuté de DJ Hell (oui, oui, Gigolo Records, souvenez-vous – il est toujours là, Helmut, et bien là), celui aventureux et percutant de Sven Von Thülen (par ailleurs journaliste, coauteur de l’indispensable livre d’entretiens Der Klang der Familie, paru en français chez Allia) ou encore – et par-dessus tout – celui absolument fracassant de DJ Pete (pilier de Hardwax, mythique magasin de disques berlinois très lié au Tresor depuis l’origine). A forte teneur industrielle, son mix a pris une ampleur maximale dans la Kraftwerk. En entendant ce fascinant agrégat de rythmes et de sons, agencé avec une imperturbable maestria, ceux qui n’ont pas vécu la chute du Mur pouvaient avoir la sensation d’en percevoir l’onde de choc libératrice. D’une rare puissance, cette onde de choc se répercute toujours aujourd’hui à l’intérieur du Tresor – et sans doute pour longtemps encore.
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