Sombre ironie : Jimmy Scott renaît un jour de funérailles. En 1991, lors de l’enterrement du songwriter Doc Pomus, il chante devant une assemblée de musiciens et de gens du business venus célébrer l’un des très grands pourvoyeurs de standards de la musique américaine. Son interprétation déchirée de Someone To Watch Over Me plonge l’assistance […]
Sombre ironie : Jimmy Scott renaît un jour de funérailles. En 1991, lors de l’enterrement du songwriter Doc Pomus, il chante devant une assemblée de musiciens et de gens du business venus célébrer l’un des très grands pourvoyeurs de standards de la musique américaine. Son interprétation déchirée de Someone To Watch Over Me plonge l’assistance dans un profond émoi. Le vieil homme à la voix gracile, au physique malingre, oublié de la profession depuis des lustres, se voit offrir un nouveau contrat par la Warner quelques semaines plus tard. S’en suivront sept enregistrements, depuis All The Way en 1992 jusqu’à But Beautiful, le dernier en date en 2002, d’une égale charge émotionnelle, comme autant de sessions de rattrapage pour cet interprète incroyablement desservi par le destin au tout début de son parcours. La parution de Falling in Love Is Wonderful, disque inédit datant de 1962, vient justement rappeler l’un de ces mauvais virages qui conduisent parfois des talents aussi invraisemblables sur le bas-côté de la route.
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Produit par le grand Ray Charles en personne sur son label Tangerine, cet album retiré des bacs dès sa sortie pour d’obscures raisons contractuelles devait lancer pour de bon la carrière du crooner funambule, déjà remarqué chez Lionel Hampton. Renforcé dans sa dimension quasi mythique par son indisponibilité de près de quatre décennies, ce recueil de ballades, avec grand orchestre à cordes et le « Genius » au piano, magnifie en effet comme aucun autre l’art pointilliste de Jimmy Scott. Constamment décalé, à contretemps, en amont ou en aval du rythme, le chant devient chez « Little » Jimmy Scott un exercice d’équilibriste. Le lutin aux traits doux, androgynes et enfantins, au timbre féminin, à la gestuelle maniérée, accompagnant de ses arabesques les inflexions infligées à chaque refrain, joue littéralement ces dix joyaux comme sculptés dans le cristal.
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