Pour la première fois à Paris, Fakear a joué son nouveau set entouré de musiciens : une sacrée claque, même pour lui. Récit et interview.
« C’est le meilleur concert de ma vie… vraiment ! » Il est en sueur, au bord des larmes et en face de lui, mille personnes l’acclament. Samedi 7 février, Fakear, alias Théo, jeune musicien de 23 ans, a secoué le Trianon. Ca fait trois ans qu’il développe son projet electro et 2015 sera une nouvelle étape dans son parcours, avec un Olympia en octobre et un album dans la foulée. Ce soir-là, il s’est passé quelque chose de rare : l’émotion des débuts – celle de voir Fakear s’étoffer et fusionner avec son public.
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Nouveau set
Ce n’est pas la première fois que Fakear se retrouve sur les planches du Trianon. Il y avait été convié en première partie de Flume et Dream Koala en 2013. Cette fois-ci, le Trianon est complet pour lui seul. Un public attentif, enjoué sans doute par la tension qui s’installe. Quand Fakear entre sur scène, le public hurle déjà. Lorsqu’il se saisit du micro pour s’adresser à la salle, les gens se taisent – le genre de silence impossible en festivals, que Fakear a arpenté l’été dernier. Pour la première fois, il dévoile son nouveau costume : il n’est plus seul en scène, mais entouré de quatre amis musiciens. Alors que ces derniers ep lorgnaient vers l’Asie, sa musique semble désormais se tourner vers l’Afrique.
Culture du live
Entouré d’un claviériste, d’un bassiste, d’un batteur et d’une violoncelliste, puis par la chanteuse O’Kobbo sur le titre Two Arms Around You, le live de Fakear prend doucement de l’épaisseur, refusant de se contenter de quelques machines. C’est toutefois fascinant de suivre la chorégraphie digitale au-dessus des deux MPC, comme l’avait montré la vidéo de Pop Culture de Madeon en 2011. L’obsession de montrer un savoir faire a même poussé Fakear à incliner ses machines vers le public. Il est dans l’échange, il va chercher la foule, l’invite à chanter sur le titre La Lune Rousse, l’applaudit. Chacun est nourri par l’autre dans une étrange harmonie.
Submergé
Dans la générosité et la sincérité qu’il transmet, Théo remercie sans cesse la foule, ses musiciens, son équipe, les mains jointes comme une prière. A la fin de chaque morceau, il a le sourire un peu gêné de celui qu’on acclame. Autour de lui, même ses musiciens semblent surpris par l’engouement qu’ils provoquent. Ce soir, c’est comme si Théo se prenait son projet en pleine figure, lui qui nous disait, quelques heures plus tôt, faire « juste » de la musique. A la fin du concert, il s’écroule en larmes dans les bras d’un de ses musiciens.
INTERVIEW. Deux heures avant de monter sur scène, on retrouvait Fakear sur la terrasse du Trianon. Personne ne savait alors ce qui allait se passer. On se dit même que si on l’avait interviewé le lendemain du concert, il n’aurait peut-être pas répondu de la même manière.
Comment vis-tu ce qui est en train de t’arriver ?
Fakear – On est en train de donner une importance incroyable à un truc que je fais, ce qui ne m’est jamais vraiment arrivé, et ça me surprend. Il y a un an et demi, après avoir remporté un tremplin à Caen, je dédramatisais en me disant que c’était de la chance. Et puis il y a eu cette phase bizarre l’été dernier, où j’enchaînais les lives, je commençais à faire des trucs de plus en plus gros. C’était la période de l’ascension, j’ai suffoqué, ça m’est monté à la tête, je me suis dit que ce n’était pas ce que je voulais, ce milieu de paillettes où tout le monde t’encense même quand tu fais une blague nulle. Sachant que moi, je suis un collégien, un mec qui se fait taper dessus, je ne suis pas du tout un leader. Du coup, pour moi, c’est aberrant les retours que me font les pros, et la presse qui voit en moi une « révélation » ou une « étoile montante qui incarne un mouvement ».
Est-ce qu’à un moment, tu as eu l’impression de t’être perdu, d’avoir trahi la musique que tu avais envie de faire ?
Non, jamais. Je suis hyper content de ça, parce que c’est le défi le plus important, celui de rester toi-même, de rester honnête. Au mois d’août dernier, je suis parti en voyage pendant deux semaines. La question de cet été, c’était de me demander ce qui m’avait amené à faire ça. Et j’ai réalisé que le projet Fakear, j’en avais besoin. Il faut que je fasse de la musique, sinon je ne me sens pas bien.
Depuis cette remise en question, comment as-tu fait évoluer ton set ?
D’abord, je me suis entouré de musiciens. L’acoustique, c’est un truc que j’avais mis de côté. Ça s’est fait à la cool, ce sont des gens que je connaissais de près ou de loin. La violoncelliste par exemple, c’est une pote de fac. Ils se sont intégrés à mon projet, mais ils n’empiètent pas sur ce que j’ai fait et c’est moi qui valide leurs propositions. Ce sont des musiciens de jazz, ils ont donc amené avec eux ces influences-là, sans faire trop intello. Ça enveloppe le truc de quelque chose de plus doux – douceur qu’il n’y avait pas avant. Mais c’est très subtil, je ne veux pas dénaturer ma musique. Pour autant, je ne veux pas que Fakear deviennent un collectif, Fakear reste Théo.
Après avoir intégré des musiciens, est-ce que tu aimerais développer l’univers visuel de Fakear ?
Oui complètement, j’ai envie d’aller vers quelque chose de plus cinématographique. Pour l’album j’ai envie d’aller plus loin, de faire un truc comme Rone qui bosse avec sa copine. Par contre, je n’ai pas vraiment envie d’intégrer de la vidéo au live, je préfère mettre l’accent sur les lumières. Je n’ai pas envie de montrer les choses au public, mais de leur laisser imaginer ce qu’ils écoutent. Si La Lune Rousse veut dire quelque chose pour les gens, ils sont encore libres d’imaginer ce qu’ils veulent.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui te fait le plus plaisir avec Fakear ?
Finalement, le truc le plus important c’est que je suis un gros gamin qui veut sauter partout, et finir en sueur, et c’est ce qui m’arrive. Et puis, ce qui me fait le plus plaisir, c’est que les gens ont compris où j’ai voulu en venir. Ils ont compris que Fakear, ce n’est pas seulement La Lune Rousse et des sons japonais. Mon identité est comprise, elle me ressemble, et je ne me sens pas étranger en rentrant dans le costume Fakear.
Concert le 8 octobre à Paris (Olympia)
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