Après avoir dénoncé les conditions inacceptables que proposait Google aux indépendants pour figurer sur sa nouvelle plateforme de streaming, ces derniers s’organisent et publient aujourd’hui une déclaration pour des droits digitaux plus égaux.
Il y a quelques semaines, les indépendants dénonçaient le « deux poids, deux mesures » qu’appliquait YouTube lors des négociations concernant Music Pass, sa nouvelle plateforme de streaming censée concurrencer Deezer et Spotify. D’un côté les majors auraient profité d’avances de plusieurs centaines de millions de dollars quand les labels indépendants se sont vus proposer des rémunérations de 10% inférieures à celles de Spotify. Rémunérations qu’ils ne pouvaient refuser sous peine de voir toutes leurs vidéos supprimées de YouTube. Ces derniers ont fini par porter plainte auprès de la Commission Européenne via la structure WIN (Worldwide Independant Network) qui publie aujourd’hui une déclaration pour de plus justes « négociations des droits digitaux. »
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Fair Digital Deals Declaration : un modèle plus juste
La Fair Digital Deals Declaration est une initiative visant à promouvoir une manière plus égalitaire et transparente de négocier et gérer les revenus digitaux des artistes. Ce ne sont pas moins de 700 labels indépendants qui ont signé la déclaration, dont des mastodontes comme Domino, Because, Ninja Tune, XL Recordings ou le groupe Beggars (4AD, Matador, Rough Trade). Tous souhaitent « un engagement ferme de toute la communauté des indépendants pour traiter de manière juste les artistes, dans leur relation avec l’exploitation digitale de leur travail par un tiers ». Cette déclaration, sortie aujourd’hui et accompagnée d’une pétition (Worldwide Declaration Signing Day), se décline en cinq point :
« 1. S’assurer que la part des revenus des téléchargements et du streaming allouée aux artistes soit clairement expliquée et suffisamment résumée dans les contrats d’enregistrement et déclarations de royalties.
2. Estimer un partage équitable, de bonne foi et au prorata pour les artistes de tous les revenus et autres compensations des services digitaux issus des enregistrements mais qui ne sont pas attribués à des œuvres spécifiques.
3. Encourager de meilleurs critères d’information de la part des services digitaux sur l’utilisation et la monétisation de la musique.
4. Soutenir les artistes qui ont choisit de s’opposer, même publiquement, à l’utilisation non autorisée de leur musique.
5. Soutenir la position collective de l’ensemble des entreprises indépendantes de ce secteur. »
Billboard souligne que la promesse de partage « de bonne foi de tous les revenus digitaux… non attribués à un enregistrement spécifique » s’oppose directement à la pratique courante de certaines majors et d’ayants droits. Les accords de ces derniers, en effet, comprennent des montants garantis par les services digitaux, notamment en termes d’avance. Puisque ces « revenus cachés » ne sont pas liés spécifiquement aux oeuvres, les artistes et les labels qui les distribuent ne touchent rien dessus. Les entreprises qui signeront cette déclaration devront donc « partager les bénéfices des accords avec les services digitaux de manière claire et équitable avec les artistes. »
Global Independent Manifesto : les indépendants se regroupent
Dans la foulée, WIN a également publié un Global Independent Manifesto qui soutient que les indépendants « méritent le même accès au marché, les mêmes termes qu’Universal, Sony et Warner, et que leurs copyrights doivent être évalués et rémunérés au même niveau que ceux des majors ». Interviewé par Billboard, Martin Mills du groupe Beggars commente : « pourquoi nous ne traiterions pas les artistes équitablement ? Ca parait tellement évident que nous ne devrions pas avoir à le dire, mais nous le disons haut et fort. » La présidente de WIN, Alison Wenham, déclare au même magazine : « Nous croyons que cette nouvelle initiative, simple à mettre en place, aux règles équitables et transparentes – pour les labels qui négocient avec des services digitaux – est un modèle pour de meilleures pratiques. Nous invitions les entreprises – majors et indépendantes – à rejoindre les centaines qui ont déjà signé pour mettre un terme à ces pratiques de détournement des revenus des artistes sans qui nous n’aurions pas de travail. »
Les trois majors de l’industrie de la musique, Universal, Sony et Warner représentent à elles seules 70% du chiffre d’affaires global et pèsent donc de tout leur poids dans les négociations avec les services de streaming et autres plateformes. Pour se faire entendre les indépendants – qui représentent selon les sources entre 10% et 30% du chiffre d’affaires – sont obligés de se regrouper. Ils font valoir leur droits en mettant en avant ceux de leurs artistes et proposent donc une vision de la musique à l’opposé du modèle vieillissant incarné des majors. Reste maintenant à voir jusqu’à quel point les indépendants vont s’engager et le poids que va prendre cette déclaration dans les négociations futures. Pour observer l’avancée de cette campagne, il suffit de se rendre sur le compte Twitter de WIN et de suivre le hashtag #fairdigitaldeal4artists.
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