Dans des maquettes inédites comme dans un hommage venu d’Italie, la libre et forte parole de Ferré retentit comme jamais.
“La publication de cet album pourrait bien, me souffle-t-on, heurter le sens moral de certains “coeurs purs”…”, écrit Mathieu Ferré dans le livret des Fleurs du mal – Suite et fin. Certains esprits chagrins l’accusent en effet de racler les fonds de tiroir de son père : curieux procès, tant le travail d’exhumation qu’il accomplit depuis dix ans brille par sa rigueur. Et ce n’est pas ce recueil inédit de maquettes pianovoix, couchées sur bande entre 1976 et 1977, qui jettera une ombre sur l’imposante fresque sonore léguée par Léo Ferré.
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Ces mises en bouche et en musique de poèmes de Baudelaire raviront ceux qui ont toujours considéré le chanteur comme un créateur à hauteur d’homme, et non comme un démiurge tout-puissant et intouchable. Toute la vulnérable grandeur de Ferré est là, dans cette voix nue qui gravit l’escalier du lyrisme sans jamais franchir le seuil de l’emphase et dans ce piano tremblé qui s’en va flâner d’un pas léger sur les rivages harmoniques chers aux impressionnistes.
Les esprits chagrins jetteront une oreille encore plus suspicieuse sur l’hommage réalisé par le pianiste Roberto Cipelli et ses complices – Paolo Fresu, Attilio Zanchi, Philippe Garcia et Gianmaria Testa. Des confins tourmentés du free-jazz jusqu’aux nobles hauteurs de la chanson transalpine, d’un texte de Pavese à une ritournelle de Luigi Tenco, F. – à Léo sort Ferré du temple dans lequel ses adorateurs les plus obtus voudraient l’enfermer. La promenade vaut le détour : on y entend retentir avec une force nouvelle la libre parole d’un poète dont toute l’oeuvre aura résonné comme un appel au voyage.
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