Le musée d’Art moderne de la Ville de Paris accueille un siècle d’art scandinave depuis Munch jusqu’à la dernière génération, plutôt déjantée.
Il faut tordre le cou aux clichés : alors n’attendons pas forcément de cette exposition scandinave qu’elle nous restitue avec bonheur la belle lumière du Nord, les plaines blanchies par la neige et les courses de traîneaux. Ce serait trop facile. Les sombres territoires dépressionnaires explorés par le Norvégien Edvard Munch nous en écarteront d’emblée. Et au dernier étage, l’expo ironiquement intitulée « Nuit blanche », conçue par Hans-Ulrich Obrist et Laurence Bossé et consacrée aux jeunes artistes nordiques, donne le ton : le Danois Henrik Plenge Jakobsen dispose des lumières stroboscopiques pendant que son pote Ólafur Eliasson installe un rideau d’eau et des filtres de lumière. Joachim Koester réalise des nuits artificielles en recourant à la technique cinématographique de la nuit américaine. Une forêt à l’envers, des chansons de Björk et des films d’Aki Kaurismäki, des vidéos pubères et impudiques d’Eija-Lisa Ahtila et l’intelligent techno de Panasonic ou Mika Vainio : avec une volonté de rupture évidente, c’est plutôt un dynamisme tonitruant, et non la retenue bergmanienne, qui vient envahir le musée. Il s’en dégage en tout cas une attitude très sceptique et souvent ironique vis-à-vis des clichés du Nord. Hans-Ulrich Obrist confirme cette vitalité : « Je crois qu’on peut parler d’un miracle nordique dans ces dernières années. On assiste à l’explosion d’une jeune scène nordique très hétéroclite, en perpétuel mouvement et qui s’accompagne de plusieurs critiques d’art comme Daniel Birnbaum, Maria Lind et Lars Bang Larsen. Les artistes conçoivent des oeuvres en commun, font sans cesse des croisements avec d’autres disciplines comme la musique ou les sciences naturelles. En même temps, c’est une scène qui n’est pas concentrée comme à Londres, mais au contraire éclatée en plusieurs villes et différents pays, et ce d’autant plus que pour l’essentiel ces artistes vivent à Berlin, New York, Londres, ou Paris. C’est donc plus un état d’esprit, une synergie, qu’une question de nationalité. Il y a là une situation d’exil, un peu comme pour les peintres du début du siècle, Edvard Munch et Carl Frederik Hill en particulier. » Il serait trop aisé de tisser d’un bout du siècle à l’autre, et en s’arrêtant au passage sur Per Kirkeby, figure importante des années 60-70, des liens là où l’on voit essentiellement des lignes de rupture. Peut-être ces artistes scandinaves du xxème siècle ont-ils cependant en commun la volonté presque vitale de dire, parfois en la cassant, l’emprise du Nord. Chacun sa manière : Henrik Plenge Jakobsen espère d’ailleurs diffuser une compil de films porno, Best of Danemark, histoire de briser l’image idyllique que l’on se fait des saunas scandinaves :
« On va aussi faire tous ensemble un petit fanzine qui sera l’inverse du grand catalogue officiel conçu pour l’exposition. Parce que d’après moi, tout cela reste encore très correct alors que la scène danoise par exemple est nettement plus trash. » On risque donc d’en voir de toutes les couleurs.
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