L’exposition « Pneumatique et politique » revient sur une utopie architecturale qui fut, un temps, dans l’air du temps.
L’exposition « Pneumatique et politique » restitue un moment court mais très particulier de l’histoire de l’architecture. Entre 1966 et 1973, des utopistes se sont aventurés sur le chemin de l’invention. Alors que la France s’ennuie et que les grands ensembles prolifèrent, quelques architectes proposent des structures légères comme l’air, rondes comme des ballons, aux couleurs acidulées, mobiles, transformables… « Pneumatique et politique » présente l’ambition de cette utopie tout en laissant entrevoir les causes de son échec.
Quelques mois avant Mai 68, le groupe Utopie est formé, où se côtoient des sociologues, un éditeur, une paysagiste et trois jeunes architectes : Jean Aubert, Jean-Paul Jungman et Antoine Stinco. Nourris de culture pop, de SF et de BD, des écrits du philosophe marxiste de l’urbain Henri Lefebvre et de Guy Debord, ils offrent une vision radicalement opposée au désenchantement des villes modernes, à leur grisaille, leur pollution, leur engorgement. Ils cherchent à raccorder l’art et le quotidien. Ils réinvestissent les valeurs positives et hygiénistes liées à l’air. Du rêve d’Icare et des zeppelins, ils reprennent la légèreté, le mouvement, la liberté.
Ils accompagneront jusqu’aux limites la remise en cause de l’architecture mais ne céderont pas à la tentation du seul discours poétique ou politique. Ils ne renonceront pas à proposer des formes architecturales : maisons gonflables, usines mobiles, structures tendues avec introduction massive du plastique… Les Zénith, les couvertures temporaires des piscines sont de lointains échos de ces expérimentations.
A défaut de présenter des réalisations, l’exposition se charpente autour d’esquisses, études et maquettes de structures. Ces travaux sont présentés dans leur environnement culturel : nouveaux mobiliers canapé et pouf gonflables mais aussi une robe plastique de Courrèges, une poupée de Niki de Saint-Phalle, des exemplaires de la revue Utopie, des affiches sérigraphiées contre « les bidonvilles et les villes bidons », des photos du film L’Ecume des jours … Ambiance psychédélique et politique.
Le joli mois de mai ne fut pas seulement français ; la critique des formes concrètes de la société fut elle aussi internationale : en Angleterre, en Allemagne, aux Etats-Unis… En France, la floraison fut brillante mais brève : ruse de l’histoire, ces utopies qui se voulaient radicalement critiques furent digérées et réintégrées. De fait, ces architectes ont accompagné un certain air du temps, celui d’une fascination pour la technique, d’une espérance en des jours meilleurs grâce aux sciences. Ils se sont inscrits dans la nouvelle société de consommation qui valorise l’éphémère et le jetable. Leur critique de la monotonie de l’architecture productiviste n’est jamais parvenue à dépasser le fantasme de la table rase. Ils ont négligé la ville et ont dénié à l’architecture sa fonction de mémoire : de ces impasses, cette utopie sombrera.
Catherine Tricot
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