François Ier compose un vibrant hommage à Marcel Carné et aux maîtres de l’ambient sur son nouvel EP « Hôtel du Nord », disponible le 13 mai sur le tout jeune label Haut Cinq.
Après plusieurs réalisations tournées vers la house et les rythmiques binaires, François Ier ralentit la cadence sur le lunaire Hôtel du Nord. Echappé de sa chambre à New York, où il avait composé pendant six mois le sombre et envoûtant Nyrmal, François Giesberger de son vrai nom, s’est installé cette année dans la ville de son enfance, pour accoucher d’un nouvel EP. On retrouve donc le Toulousain d’adoption à Paris, apaisé et serein, au travers de quatre superbes morceaux d’ambient, et de deux remixes signés Joy! et Saycet. D’une beauté aussi fragile que le laisse suggérer sa photographie tremblante, Hôtel du Nord nous fait voyager en compagnie du globe-trotter, de Roubaix à La Chapelle, où il a élu domicile, dans des ambiances cinématographiques, évoquant son amour pour le 7ème art. Ecoute de l’EP en avant-première, et entretien avec son créateur.
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Salut François, comment t’es-tu lancé dans la musique ?
J’ai commencé à produire de la musique dans mon coin. C’était une envie qui était vieille de plusieurs années mais je n’ai pas un gros background en tant que musicien. Je n’ai pas fait de conservatoire ; juste quelques années de guitare comme beaucoup de jeunes aux cheveux longs. J’ai toujours été un grand consommateur de musique, notamment grâce à mon père, qui est une véritable bibliothèque musicale. Un jour, je me suis lancé : j’ai cracké un logiciel et j’ai acheté un clavier premier prix. J’ai dû attendre d’avoir 20 ans pour passer ce cap-là et arrêter de me dire que je n’étais pas légitime en tant que producteur.
Pourquoi ce pseudonyme ? Es-tu fasciné par le roi François Ier ?
Je suis intéressé par l’histoire de France depuis longtemps. Enfant, je faisais une fixette sur les rois de France, en particulier ceux de la Renaissance. J’ai dû trouver mon pseudonyme un peu dans l’urgence pour la première soirée qu’on organisait avec Antonin Romeas, patron de Boussole Records, et d’autres amis, avec qui on avait fondé le label à l’époque. Je voulais garder mon prénom et faire un clin d’œil à cette passion. Cela fait aussi écho à une époque où a eu lieu un essor artistique important.
Comment s’est produite la rencontre avec les autres artistes de Boussole ?
Ce sont mes amis depuis de nombreuses années. On était environ cinq ou six, dont Antonin ou encore José Fenher, qui tourne sous le nom de scène Mangabey. Ca faisait un moment qu’on avait envie de faire quelque chose à Toulouse, où il ne se passait pas grand-chose musicalement. Au fur et à mesure, on a invité des guests à nos soirées et on a rencontré des gens avec qui on a eu un bon feeling musical et amical. C’est une ambiance assez familiale.
Hôtel du Nord sort sur Haut Cinq, créé en début d’année. Pourquoi avoir réalisé un nouveau label ?
Haut Cinq a été fondé par Antonin, qui avait aussi impulsé le projet Boussole Records, sur lequel on avait tendance à faire des sorties uniquement en digital et en free download, et également par Gabriel Loridon. Je crois que le but d’Antonin et Gabriel, avec Haut Cinq, était de faire des sorties physiques, susceptibles d’être accompagnées d’un clip et d’une communication un peu plus importante, ou encore d’être développées en live. On va par exemple presser Hôtel Du Nord en vinyles.
J’ai l’impression que tes débuts étaient beaucoup plus house et dansants. Comment expliques-tu cette évolution ?
J’ai commencé à faire de la musique seulement un an avant de sortir 1515, mon premier EP. Il a donc certaines maladresses. Je pense que c’est moins recherché que ce que j’ai pu faire dernièrement. Je cédais à la facilité de faire des morceaux très binaires, qui avaient une connotation bien plus club. J’essaie maintenant de faire transparaître un spectre d’influences un peu plus large.
Ce virage est-il également le fruit de nouvelles influences ?
Ce sont des influences que j’ai approfondies ces derniers mois mais dont mon père m’avait déjà parlé : des artistes de soul jazz, de jazz fusion… François de Roubaix est aussi une grande référence pour moi, depuis toujours, mais qui se ressent beaucoup plus sur cet EP. Quand je réécoute 1515, je trouve quand même qu’il y a une continuité, avec l’aspect mélodique et mélancolique qui est toujours présent, et au niveau du choix des sonorités, assez aériennes. Mais je suis toujours en apprentissage et dans l’expérimentation.
http://www.youtube.com/watch?v=5CY7nUPyag4
Tu es étudiant à l’ESAV, école de cinéma de Toulouse. Le titre Hôtel du Nord fait-il référence au film de Marcel Carné?
Oui, c’est un hommage à Carné. Je préfère son film Les Enfants Du Paradis mais j’ai aussi un intérêt très marqué pour Louis Jouvet, dans Hôtel du Nord. La plupart de mes titres font référence au cinéma en général. « From Roubaix » vient de François de Roubaix, « Aurora » de L’Aurore de Murnau, car j’aime beaucoup l’expressionnisme allemand, et « Out Of Africa »… pas la peine d’expliquer, je pense.
http://www.youtube.com/watch?v=6DKI0EP-RMA
Ces titres sont donc davantage des références cinématographiques que des noms de lieux ?
Hôtel du Nord est également un clin d’œil à mon arrivée à Paris cette année, d’autant plus que le bâtiment n’est pas très loin de chez moi. Je m’imprègne à chaque fois de la ville dans laquelle je compose. Roubaix a plusieurs connotations, même en matière de cinéma. C’est une ville riche, où beaucoup de films de Desplechin ont été tournés. J’aime mettre des noms de villes sur mes EP, comme « Milan » sur 1515, en référence au Duché de Milan, Marignan et les guerres d’Italie.
Tu as passé six mois à New York avant de venir habiter à Paris. La musique que tu as composée à ce moment-là était-elle différente ?
Au-delà de la ville en elle-même, c’est aussi le lieu où je compose qui a une influence. A New York, la chambre que je louais était en fait une cave. L’ambiance de Nyrmal, mon troisième EP, est donc plus sombre et plus brute que celle des précédents. Je trouve le titre « Insomnies », issu de Hôtel du Nord, un peu plus réjouissant et moins inquiétant. Peut-être que je vis ma vie à Paris un peu plus sereinement qu’à New York, ou tout du moins, dans de meilleures conditions.
Hôtel du Nord a quand même un côté nocturne, à l’image de sa pochette.
Oui, c’est aussi parce que j’ai tendance à beaucoup produire la nuit. Je suis plus efficace que pendant la journée. « Insomnies » est le seul titre à ne pas faire référence au cinéma, mais à ma méthode de travail.
L’EP a une teinte plus urbaine que tes précédentes réalisations. La pochette est d’ailleurs une photographie de la Gare du Nord. Tu t’es promené dans le quartier pour trouver l’inspiration ?
J’habite juste à côté, à La Chapelle. C’est un quartier entouré de voies de chemin de fer, un décor qui me plaît beaucoup. J’y ai pris pas mal de clichés, dont celui qui a servi au visuel de l’EP. Mais en ce qui concerne la musique, je dirais plutôt qu’il y a une influence un peu plus « Aphex Twinesque ». C’est un artiste sur lequel je ne m’étais jamais vraiment penché en profondeur, mais que j’ai beaucoup écouté récemment. C’est ce qui donne peut-être ce côté plus brut.
Je ressens également des analogies avec Boards Of Canada. C’est une référence pour toi ?
Oui, le contenu du label Warp, de manière générale, me plaît énormément. Boards Of Canada est un des premiers groupes que j’ai écoutés en musique électronique mais ça se ressentait beaucoup moins dans mes anciennes productions. Charles Dollé, qui fait de la musique sous le nom de Cvd, et qui m’a accompagné sur le mixage de l’EP, a pu relever que certains sons faisaient aussi penser à Mount Kimbie ou Lone. Ce sont également des artistes que j’écoute mais je ne mesure pas vraiment l’influence qu’ils ont pu avoir sur cet EP. J’ai aussi beaucoup écouté Jon Hopkins, Four Tet…
Il y a des ambiances très différentes les unes des autres sur « Insomnies ». C’est un exercice nouveau pour toi ?
Je suis toujours dans cette recherche de la boucle qui peut durer longtemps sans qu’on s’en lasse trop mais effectivement, c’est la première fois que je fais un morceau en deux parties. La façon dont ça s’est fait était un peu hasardeuse. A la base, je n’avais fait que la première partie. Je l’ai ensuite testée en live pour voir comment elle allait être reçue, et je me suis fait violence pour que la transition avec le morceau d’après, comme sur Hôtel Du Nord, soit moins abrupte. Le live a donc beaucoup influencé l’EP. L’intention initiale était de créer une musique qui peut s’écouter en live et s’avérer dansante tout en étant écoutable chez soi, à tête reposée.
Peux-tu me parler des remixes de Joy! Et Saycet ? Comment se sont produites les deux collaborations ?
Joy! est un duo de frangins. J’ai rencontré l’un des deux à New York. On était tous les deux en mobilité étudiante, dans le même établissement. On a eu la chance de se croiser pendant le peu de temps où j’ai mis les pieds à l’école, parce que je dois admettre que je n’ai pas été très assidu là-bas. J’étais plus concentré sur la musique. On en a fait ensemble pendant six mois, dont les deux morceaux « Avenue » et « Lady Day ». Cela correspond aussi à notre première expérience de live. Depuis on se voit tous les jours. Saycet, je l’ai rencontré à Marseille, au Cabaret Aléatoire, dans le cadre d’une date où on était programmé ensemble avec Pantha du Prince. C’est quelqu’un de reconnu dans le milieu de l’electronica en France, et comme j’étais en quête de remixeurs, je lui ai fait écouter mon EP. J’essaie d’élargir mes horizons et de ne pas me reposer uniquement sur mes amis.
Tu as d’autres projets pour cette année ?
Continuer mon album, qui devrait sortir en 2017. Il y aura une dizaine de tracks, avec des influences encore plus larges que celles de « Insomnies ». J’ai aussi un projet de live scénographié avec Joy! On se produira dans des associations, des squat d’artistes à Bagnolet, avec la galerie L’Amour ou le Wonder à Saint-Ouen, dont je me suis rapproché cette année. Le but est de réussir à investir le milieu de l’art contemporain et de faire des performances, en essayant de ne pas faire de la musique de musée, abstract et expérimentale, mais au contraire relativement accessible, pour que les gens puissent danser.
EP Hôtel du Nord, disponible le 13 mai sur Haut Cinq.
En concert le 16 mai au Nuba, le 20 juin au Festival des 36h Saint Eustache et le 21 juin à la Flèche d’Or.
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