Un holocauste du rock : l’expression, même empreinte de moquerie, sied à merveille à Evil Heat, le nouvel album de Primal Scream, qui sonne comme une improbable rencontre entre les guitares apocalyptiques des Stooges et le gospel traumatique d’Aretha Franklin, les machines technoïdes moites de Detroit et la rébellion du MC5. Des rencontres orchestrées par […]
Un holocauste du rock : l’expression, même empreinte de moquerie, sied à merveille à Evil Heat, le nouvel album de Primal Scream, qui sonne comme une improbable rencontre entre les guitares apocalyptiques des Stooges et le gospel traumatique d’Aretha Franklin, les machines technoïdes moites de Detroit et la rébellion du MC5. Des rencontres orchestrées par un trio de producteurs familiers de l’univers de Primal Scream : Two Lone Swordsmen et Kevin Shields, rescapé de My Bloody Valentine et désormais guitariste de Primal Scream sur scène. Le groupe, fidèle à ses habitudes, s’est d’ailleurs contenté de livrer des versions brutes de ses morceaux, avant de laisser le champ libre à ses producteurs. Entre l’électronique caverneuse et imparable de Two Lone Swordsmen et les harmoniques denses et tordues de Kevin Shields, Evil Heat aurait pu mourir le cul entre deux berceaux, écrabouillé entre les strates de larsens paranoïaques et de beats sombres. Mais loin de s’annihiler, les deux productions ont réussi à créer une tension bénéfique, qui porte le disque d’un bout à l’autre
Mis à part quelques moments de quiétude, Evil Heat est un disque qui transpire le rock’n’roll et la rébellion. Un vrai disque d’adolescents qui aurait pu être bâti par des jeunes pousses comme les Bellrays, les Liars ou The Rapture : c’est dire si ce disque déborde d’une énergie d’exaltés, qui n’ont peur de rien, pas même de dépouiller Lee Hazlewood et Nancy Sinatra. Sous leurs coups, le classique Some Velvet Morning devient un morceau mutant et l’esprit de Lee Hazlewood se découvre soudain d’étranges affinités avec les sonorités industrielles de Throbbing Gristle.
Comme si Primal Scream, toujours aussi sensible à l’air du temps musical, s’était tout à coup métamorphosé en artisan d’une bastard pop fabriquée avec des instruments organiques, loin des assemblages informatiques. Comme si ce groupe-là était parvenu, dix ans après Screamadelica, à capturer à nouveau l’esprit du temps : un esprit rebelle et malicieux, ludique et extatique. Malgré ses quelques rides, Primal Scream est décidément bien plus féroce aujourd’hui que dans les années 80 : ce qui discrédite définitivement le vieil adage des Who, « Hope I die before I get old« .