Des chansons, une voix, un son, du souffle : les survivants de Liverpool donnent une admirable suite au merveilleux Ocean rain de 84.Le titre avait pourtant de quoi faire sourire : Evergreen, autrement dit “qui ne vieillit pas”. Il faut dire que les Bunnymen s’étaient déjà reformés en douce il y a deux ans […]
Des chansons, une voix, un son, du souffle : les survivants de Liverpool donnent une admirable suite au merveilleux Ocean rain de 84.
Le titre avait pourtant de quoi faire sourire : Evergreen, autrement dit « qui ne vieillit pas ». Il faut dire que les Bunnymen s’étaient déjà reformés en douce il y a deux ans du moins sa charnière principale McCulloch et Sergeant sous le nom d’Electrafixion, pour un album qui restera comme l’un des plus flatulents et laids de son époque. Autant dire que l’annonce de leurs retrouvailles officielles fut d’abord accueillie par une gêne profonde teintée de désolation : tant que le batteur Pete de Freitas serait mort, avait-on envie de dire, pour parodier George Harrison, le second quatuor le plus célèbre de Liverpool courrait le risque d’ajouter, en se reformant, la fausse note fatale au concert de déconnades livrées en ordre dispersé par ses survivants depuis dix ans.
Au bout du compte, la seule anomalie constatée à l’écoute de cet éblouissant et finalement bien nommé Evergreen reste la présence aux baguettes d’un bison peu futé, habituellement cogneur derrière Page & Plant, pour pallier l’absence forcée du défunt lapin Duracell. A ce (petit) détail près, l’Echo nouveau peut légitimement être perçu comme un (grand) miracle, au point de s’imposer directement en dauphin de l’indétrônable Ocean rain. Toute la thématique de l’album est orchestrée autour des erreurs passées, des renoncements, de l’envie d’en découdre à nouveau Nothing lasts forever, Too young to kneel : une sorte d’audit introspectif qui, une fois posé, indique la sage conclusion qu’il vaut mieux oser la marche arrière que tomber dans le vide. Eux qui n’ont plus les jambes pour courir derrière les lièvres de la dernière portée se retirent volontairement des compétitions officielles point de trip-hop ici, et pas davantage de fusion grossière à la Electrafixion pour s’en aller provoquer leur fastueuse légende sur une piste à l’écart.
Heureusement, l’orgueil la frustration ? l’expérience ? fouette les sangs des vétérans, chez qui la grâce gestuelle parvient toujours à l’emporter sur les (rares) pannes physiques. La couronne d’épines et de soie dessinée par les guitares de Sergeant, dont le sevrage prématuré fut l’un des traumatismes de nos jeunes années, vrille à nouveau sur la tête d’un McCulloch comme une intimation à ne point trop en faire. Cet Evergreen qui vire souvent au bleu ne tourne pourtant jamais au noir, traversé qu’il est par des cordes généreuses et toute une panoplie de détails inventifs qui s’ajoutent à la tortueuse matrice d’origine. Prenons date : c’est pas tous les jours qu’on rajeunira ainsi de dix ans.
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