Mark Eitzel est en train de devenir une star underground. Bien sûr, on l’avait remarqué sur les trois albums d’American Music Club, aussi faciles à dénicher qu’un original du Velvet ou que le premier single d’Orange Juice. Il y manquait une étincelle, un chamarrage discret qui puisse donner un charme indicible à un album entier. […]
Mark Eitzel est en train de devenir une star underground. Bien sûr, on l’avait remarqué sur les trois albums d’American Music Club, aussi faciles à dénicher qu’un original du Velvet ou que le premier single d’Orange Juice. Il y manquait une étincelle, un chamarrage discret qui puisse donner un charme indicible à un album entier. Le mois dernier, voilà qu’il nous attaquait aux tripes avec sa complainte solo de grand corbeau blessé. Aujourd’hui, voici l’album du groupe qu’on annonçait il y a quatre mois. Mark Eitzel est captivant, mais ce n’est pas à proprement parler un rigolard bon teint : I’m sick of food’ I’m sick of you’ I’m sick of love ?, chante-t-il sur Sick of food. Il écrit sur des sujets plus que graves : The Dead part of you. Dans l’ensemble, son lyrisme poignant lui vient du blues et s’exerce dans un registre familier à Crime & The City Solution, il y met pourtant moins d’emphase, sa voix est plus aérienne, ça allège. Pour la première fois, on décèle ostensiblement quelques accents d’un David Sylvian yankee, en particulier sur l’éthéré
The Confidential agent. Et un peu partout, force est de distinguer une filiation vocale avec John Cale
? profondeur et registre grave aux quelques aigus hystériques ? et une tristesse similaire à celle de
Nick Drake. Ce large éventail de noms très divers devrait permettre de faire comprendre que Mark Eitzel est avant tout nourri de lui-même, de ses angoisses et de ses petites observations sur le comportement. Et surtout, il ne fait pas étalage de grands discours, son lyrisme est intime, il ne nous le balancera jamais à la face avec une arrière-pensée mesquine. Ce type est sincère et pudique. Qu’il nous parle de l’Ex-girlfriend d’un ami ou d’un Miracle on the 8th Street, il gagnera nos faveurs dans la dignité, autant en nous murmurant sa prose à l’oreille qu’en attachant les mélodies à sa guitare.
Et s’il lui vient l’idée d’exécuter une Crabwalk enlevée à tout tempo, on le suivra tête baissée dans une furie rock’n’rollesque qui a le même poumon que les premiers cris du Gun Club ou des Violent Femmes. L’Amérique endiablée.
American Music Club n’existe pas aux USA et se consomme sous le manteau en Angleterre. Ici, ce n’est guère plus réjouissant, pour l’instant. Coincé entre son anonymat ? malgré la force de son nom ?, ses petits labels mal distribués et ses hésitations, le groupe de Mark Eitzel a eu du mal à se faire repérer. Qu’importe, on a dû le mériter. Et on ne regrette pas d’avoir su dénicher sa pusillanimité : avec cet Everclear purgé, la nouvelle formule du Club tient enfin fièrement l’occasion de se faire reconnaître à sa juste et haute valeur. Bienvenue au club.
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