Avec Frédéric Landini, il nous montre et nous raconte ce beau projet ici, en exclusivité.
Du 22 au 24 juillet se tenait, dans le superbe cadre de la Villa Noailles à Hyères, le MIDI festival 2016, imaginé par Frédéric Landini et présidé par Franck Vergeade. Pour cette douzième édition, le festival avait la chance d’avoir à ses côtés Etienne Daho, qui a accepté d’en être le président d’honneur. Un rôle qu’il a pris à cœur.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pendant trois jours, dans un studio photo situé non loin des loges, il a immortalisé les autres artistes avant leur montée sur scène. Entre deux shootings, on a pu parler de cette initiative et du festival avec les organisateurs et un président d’honneur un peu particulier. Une introduction idéale pour découvrir ce portfolio signé Etienne Daho.
C’est la première fois que le MIDI Festival a un président d’honneur : comment est venue cette idée, et pourquoi avoir confié cette mission à Etienne Daho ?
Frédéric Landini : C’est une conversation qui a débuté en 2009. A cette époque, j’avais l’envie d’apporter à la programmation du festival une référence pop, puisque c’est la vision musicale qui est exploitée ici, au MIDI. C’est vrai que je rêvais aussi d’avoir un lien avec un artiste-icône qui représentait à la fois l’histoire de la musique et l’idée que j’avais du MIDI festival : quelqu’un de quasi-international, mais français. Je trouve qu’Etienne Daho a montré à la pop la possibilité de chanter en français. Aujourd’hui, on en a un héritage beaucoup plus démonstratif qu’avant. Les jeunes artistes sont de plus en plus libérés face à cette langue, ce n’est plus un obstacle, elle est vraiment intégrée.
En 2009, la situation n’était pas la même, mais j’avais envie qu’on se rapproche de quelqu’un qui pourrait incarner tout cela. On a proposé à Etienne par l’intermédiaire de Franck Vergeade (le président du MIDI Festival – ndlr), sans réelle idée précise, comme une déclaration d’amour. De mois en mois, les discussions venaient avec l’agenda et cette année, tout s’est rassemblé.
Etienne, qu’est-ce qui vous a donné envie de dire oui à ce projet ?
Etienne Daho : Ça a été long pour une question d’emploi du temps : il y avait toujours une tournée, toujours un album qui faisait que ce n’était pas possible. Pour ce genre de projet, si on dit oui, il faut aller jusqu’au bout. Je pourrais me contenter de voir les concerts, ça me va tout à fait, mais j’avais envie d’aller plus loin, de ne pas être qu’une simple présence. Le projet m’a séduit, je connais bien Franck qui m’a beaucoup accompagné ; c’est un luxe d’avoir quelqu’un qui a compris aussi bien mon travail et qui m’a défendu, et pour moi ça compte.
Quand j’ai rencontré Frédéric qui m’a proposé cette présidence d’honneur, j’ai dit oui tout de suite. Après il fallait juste trouver le moment pour le faire à fond. C’est toujours resté dans un coin de ma tête, et cette année, je les ai appelé au printemps, en leur demandant si c’était possible d’organiser cela pour cette édition. J’ai repris mon appareil photo il y a quelques années pour photographier des artistes de la nouvelle scène pour le projet Tombés pour la France à la Salle Pleyel : je voulais renouveler l’expérience ici, pouvoir documenter cette édition et faire ces photos. Au-delà du plaisir que j’ai à les faire, ce sont des rencontres, et passer de l’autre côté de l’objectif est aussi pour moi une petite vengeance (rires).
Ce rôle de parrain ou de passeur, qui avait été amorcé par votre Carte Blanche à la Salle Pleyel, ce ne sont pas des rôles ou des appellations qui vous dérangent ?
Etienne Daho : Il y a pire. C’est juste très difficile, soi-même, de se rendre compte de ce genre de choses. Tout artiste rêve de cela, et si c’est le cas, c’est génial. Mais j’ai du mal à l‘intégrer. Je n’ai pas assez de recul.
Cette année, un tiers de la programmation du MIDI Festival est française : était-ce un hasard ou une envie ?
Frédéric Landini : C’est un peu un hasard de la programmation et de l’agenda. Le MIDI n’a jamais été un festival qui choisissait un groupe parce qu’il était anglo-saxon, nous n’avions pas ce besoin. Ce qui nous intéresse, c’est la vision du monde des artistes. Je crois que pour nous, cela s’explique par le fait qu’il y ait davantage de groupes français actifs dans la veine de ce que nous faisons. C’est peut-être aussi un cap pour nous et pour la scène française : on s’accorde enfin pleinement.
Etienne, vous qui la photographiez depuis trois jours, à quoi ressemble cette nouvelle scène pop ?
Etienne Daho : La photographie permet de se mettre tellement à nu… J’arrive à capturer quelque chose, et je le retrouve ensuite sur scène : tout ce qui se passe dans le studio photo devient flagrant une fois que les artistes se produisent. C’est très intéressant de passer de l’autre côté : je connais la difficulté d’être photographié, j’ai horreur de ça. Pour la plupart, ils sont très jeunes et n’ont pas conscience de leur image. C’est aussi joli : il y a des découvertes qui se font, des gens qui se découvrent sur les clichés.
Y-a-t il un artiste avec qui il s’est passé quelque chose de spécial ?
Etienne Daho : Pour le moment (l’interview a eu lieu dimanche 24 – ndlr), c’est toujours très intense, quel que soit le niveau de tension, parce qu’il faut répéter, faire les balances, parce que les séances photo sont toujours une corvée…Et puis je suis aussi musicien, je suis dans une situation particulière par rapport à eux, c’est une gêne qu’il faut dissiper, il faut qu’ils soient rassurés. Il n’y a aucune séance que je n’ai pas aimé, mais j’ai beaucoup apprécié celle avec Flavien Berger. Il est très charismatique, il dégage quelque chose de très fort. Globalement, c’est très agréable à faire. J’ai adoré Liss aussi, c’est très frais. Ils sont très jeunes, très pros, c’est assez étonnant. J’ai beaucoup apprécié aussi Lion Lime, que j’ai trouvé assez extraordinaire. La séance avait été vraiment forte, et je trouve ça très couillu et très beau de faire un guitare/batterie comme ça, ce n’est pas évident et ça m’a vraiment captivé, cette pureté.
Vous avez eu un retour des groupes qui ont posé ?
Franck Vergeade : Tout le monde est content. C’est un hasard que le festival ait une touche aussi française cette année. Pour eux c’est l’icône pop par excellence. Ce qui est drôle pour les étrangers, les Américains par exemple, comme Lion Lime, ignoraient complètement qui il est. Par l’écart générationnel, certes, mais aussi parce qu’Etienne est surtout populaire dans les pays francophones. Ce qui est le plus troublant pour eux, c’est de se retrouver devant l’objectif d’un chanteur, qui est dans sa lignée le plus populaire qui soit. Tout le monde ressort avec le sourire, il y a un échange ensuite qui se fait, dans la sélection de photos…
Ces photos ont-elles vocation à être exposées prochainement ?
Franck Vergeade : On réfléchit à les faire vivre de manière éditoriale. C’est une telle richesse pour nous, et pour le festival. Elles vont forcément déclencher d’autres choses.
Au MIDI, il y a aussi une vraie rencontre des genres : L’impératrice tend vers le disco, Liss vers le r’n’b, etc. Peut-on encore cataloguer les artistes sous l’étiquette pop en 2016 ?
Etienne Daho : La pop, c’est justement cet espace de liberté qui permet toutes les tentatives. Quand vous dites que vous faites du rock, les gens s’attendent à vous voir 20 ans après en cuir noir. Quand on fait de la pop, on peut utiliser toutes les couleurs différentes de la musique pour en faire quelque chose. Au départ, quand j’ai dit que je faisais de la pop, c’était une manière de me différencier : à l’époque, il n’y avait que, d’un côté, la grosse variété assez lourde et, de l’autre, le rock très traditionnel – c’était insoutenable. Je ne me sentais appartenir à rien et j’ai donc décrété bêtement que je faisais de la pop, parce qu’il fallait que je trouve mon espace.
Ce rêve de pop que vous aviez en lançant le MIDI festival, est-il le même que vous retrouvez aujourd’hui sur la scène de la Villa Noailles ?
Frédéric Landini : C’est la même démarche, trouver tous ces groupes, qu’ils soient dans cette vision. Après, nous avons fait des choses plus larges, comme un peu d’expérimental… mais c’est toujours pop. Il y a cette intention qui va vers les gens. Dans certains groupes venus au MIDI, il y avait ceux qui avaient cette vision, mais n’avaient pas cette rencontre avec le public. C’est une définition un peu étonnante, sur le fil du rasoir. Pour les anglo-saxons, la pop, c’est ce qui marche, ce qui est mainstream, et ici on est en train de définir un style qui va à la fois vers les gens, qui veut leur montrer quelque chose, mais qui n’a pas réellement de tenants et d’aboutissants très construits. Ça reste un fantasme, quelque chose d’un peu idéal.
Dans une époque assez dure, n’a t-on pas ce besoin de pop ?
Frédéric Landini : Je trouve que la musique a toujours un répondant exceptionnel à n’importe quelle situation. Qu’elle soit tendue, désespérée ou critique, la musique est toujours créative. Je pense que les gens ont envie de passer à autre chose dans beaucoup de domaines, mais que les artistes agissent en réaction et présentent leurs sentiments comme cela. Après, c’est un sentiment personnel, mais nous avons besoin des artistes et de la musique. Je pense que les artistes amènent quelque chose avec lequel ils ne peuvent pas faire autrement.
Etienne Daho : La musique hédoniste est toujours une réponse à un climat un peu tendu. Justement, j’ai constaté, lors des deux soirées que nous avons passé au MIDI, qu’il y a quelque chose qui vient du lâcher-prise, de l’abandon, avec cette musique qui fait du bien, qui fait plaisir. On sent qu’il y a beaucoup de tension à l’extérieur, et dans le cadre du MIDI c’est très doux, c’est très beau. J’ai photographié aussi le public : tous les gens sourient, c’est sublime. Il y a cet espace et cette vibration.
Vous avez évoqué, cette année, un tournant pour le MIDI festival : comment est-il amené à évoluer dans les prochaines années ?
Frédéric Landini : Le festival a besoin de trouver son format idéal, sa pérennité, sa promesse. C’est vrai que revenir à une programmation nocturne, électronique, mais aussi assez large en terme de représentation musicale, ce n’est pas toujours possible dans le type de lieu dans lequel on est aujourd’hui. Le festival doit imaginer son futur. C’est la douzième édition, on rentre dans la deuxième décennie du festival. Cela fera peut-être l’objet d’un nouveau site, d’une nouvelle collaboration ou de partenaires différents. Le festival est prêt à faire nouveau saut.
Vous pensez réitérer l’exercice de la présidence d’honneur ?
Frédéric Landini : Oui je pense. Aujourd’hui, on est dans une histoire tellement forte avec Etienne qu’on a du mal à l’imaginer avec quelqu’un d’autre. Mais je pense que cette démarche pourrait être intéressante pour nous et pour d’autres invités. On aurait pu l’imaginer tout le temps avec lui, mais je pense qu’il faut varier les plaisirs. J’aimerais bien avoir un président d’honneur avec un studio d’enregistrement, qui ferait la même chose qu’Etienne, mais avec la musique. A suivre…
{"type":"Banniere-Basse"}