Pour les profanes comme pour ceux, un peu plus informés, qui ne connaissaient de cette musique excessivement vivante que Mahmoud Ahmed, un des rares artistes éthiopiens dont la renommée a dépassé les frontières de son pays, ces deux albums entièrement dévolus à la musique éthiopienne moderne constituent un trésor inattendu. Le premier volume, sans doute […]
Pour les profanes comme pour ceux, un peu plus informés, qui ne connaissaient de cette musique excessivement vivante que Mahmoud Ahmed, un des rares artistes éthiopiens dont la renommée a dépassé les frontières de son pays, ces deux albums entièrement dévolus à la musique éthiopienne moderne constituent un trésor inattendu. Le premier volume, sans doute le plus riche des deux, couvre une pédiode intense qui s’étend de 1969 à 1975. C’est la fin du règne du négus et un moment de libéralisation des moeurs et des arts qui favorise l’éclosion de toute une scène musicale nouvelle. Toute la musique, sorte de soul chantante sur des rythmes spécifiquement éthiopiens, réunie dans ce premier CD est absolument passionnante. Tantôt hypnotiques, tantôt plus décontractées, les chansons du très jeune Muluqèn Méléssé ou de Téshomé Meteku prennent racine dans la tradition mais sont parfaitement contemporaines des tentatives nigérianes de Fela pour moderniser la musique africaine. Loin de la world-music et de ses produits dérivés, ces blues éthiopiens aux accents souvent lyriques et aux harmonies sophistiquées nous emmènent très loin de tout exotisme vers des ivresses insoupçonnées qui nous rapprochent souvent de certaines musiques arabes. Mention spéciale aux deux fascinants titres de Seyfu Yohannés, immense chanteur disparu à l’âge 26 ans. Paradoxalement, le second volume qui couvre la période actuelle est plus archaïque. Il faut préciser qu’entre 1975 et 1991, l’Ethiopie a vécu sous un couvre-feu imposé par une junte militaire qui a fait office d’éteignoir pour toute cette scène musicale si vivante à Addis-Abeba. Depuis, c’est comme une résurrection et les chanteurs se sont remis au travail souvent accompagnés à la krar, sorte de lyre éthiopienne, ou à l’accordéon. La tradition a repris le dessus et les musiciens itinérants qu’on entend ici proposent une musique plus brute, moins chaloupée, plus dépouillée. On pourra y voir un signe de régression ou une forme de résistance à l’uniformisation musicale. Ce qui est sûr, c’est que ces complaintes ancestrales sont profondément ancrées dans la vie urbaine. La preuve, c’est qu’on trouve dans les paroles de ces chansons populaires des allusions insolentes à Bob Marley, Bill Clinton, Eric Cantona, Madonna ou Alpha Blondy. Raison de plus pour découvrir cette nouvelle musique éthiopienne…
EthiopiquesVol. 1, L’Age d’or de la musique éthiopienne moderne Vol. 2, Azmaris urbains des années 90 (Buda Musique/Mélodie)
Thierry Jousse
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