L’inépuisable septuagénaire salue avec sa verve habituelle une fringante quinquagénaire : la bossa, ici transfigurée.
« Le jour où j’ai compris que je ne pourrais jamais écrire de vraies bossas, j’ai enfin trouvé un langage qui m’était propre. » C’est sur cette impuissance à se fondre dans un modèle dominant que Tom Zé, comme tant d’autres grands singuliers (Erik Satie, Robert Wyatt…), s’est construit une identité à nulle autre pareille. Après quarante ans de frasques sonores et poétiques en tout genre, le Nordestin, jadis fer de lance du mouvement tropicaliste, reste le plus ingénieux créateur de formes du Brésil moderne – un titre que même les francs-tireurs du mangue-beat ou de la nouvelle vague electro n’ont pas su lui contester. Il le démontre aujourd’hui encore avec un projet qui, sur le papier, ne brille pourtant pas par son originalité : entouré de nombreux convives à la voix d’or (Mônica Salmaso, Mariana Aydar, Márcia Castro, Zélia Duncan ou David Byrne, tous au sommet de leur forme), Tom Zé fête comme tout le monde les cinquante piges de la bossa-nova. Mais il le fait avec sa faconde coutumière, en évitant le piège de l’album de reprises et en transformant l’hommage obligé en leçon d’histoire autant qu’en récréation ludique, en geste d’amour autant qu’en exercice critique. Dans ce miroir à facettes qui lui est tendu, la reine incontestée des musiques cariocas apparaît transfigurée, enjoleuse comme au premier jour (les harmonies fondantes, la guitare caressante) mais plus espiègle que jamais (les jeux de bouche, les montages instrumentaux et rythmiques). Trop joueur et azimuté pour être suspecté de verser dans l’académisme, Tom Zé confirme ici qu’il ne sait toujours pas écrire de « vraies » bossas. Mais il fait bien mieux que ça, en réinventant l’esthétique d’un genre qui, sous ses mains, se découvre de nouveaux charmes.
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