Cet hybride pop accompli nous vient d’Angleterre : Esser, quelque part entre Gorillaz, Beck et Lily Allen, sort Braveface, véritable feu d’artifice sonore. A vérifier lors du prochain Festival des Inrocks, et à découvrir ici en chronique et en vidéos.
[attachment id=298]Abrutie et populiste, euthanasiée par les gloires en trompe l’oeil du blairisme triomphant et par les médias les plus débilitants d’Europe, l’Angleterre régresse à pleins tubes. L’actuel effondrement, terreau du renouveau ? Même pas : jadis dominante, rugissante, chercheuse, fière, sa musique avance par rares à-coups, quand elle ne progresse pas simplement à reculons, son regard fermement fixé sur son nombril vintage. Crise d’identité. On trouve bien dans les marges quelques courageux. Et on garde espoir, les miracles restant possibles : quand les extrêmes se rejoignent, quand des petits malins font passer dans le mainstream FM leurs idées doucement subversives, la Grande-Bretagne peut encore frétiller. Lily Allen, The Streets, les Klaxons, Bloc Party, Gorillaz. Puis Esser. Un feu d’artifice sur les décombres.
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Dans son coin du sud de l’Angleterre, à quelques encablures de Londres, Esser a pris son temps. D’abord pour comprendre la musique. Il est jeune. On pourrait dire de lui qu’il est un gamin iPod, qu’il a téléchargé l’intégralité de sa science en quelques mois seulement avant de la recracher, forcément dans le désordre, en un bloc. Faux : Esser est jeune, mais a tout fait à l’ancienne. “Mon père était musicien de jazz, il en jouait en permanence à la maison. On a toujours beaucoup écouté de musique basée sur le rythme. J’ai commencé à jouer de la batterie, quelque chose se rapprochant du be-bop. J’ai toujours été intéressé par ça, mais mon père et mon oncle écoutaient aussi les Shadows, les Tornados, Buddy Holly… Quand je suis devenu adolescent, j’ai commencé à m’intéresser au hip-hop et j’ai compris que je pouvais sampler tous ces disques que j’écoutais depuis que j’étais gamin. Une approche très directe du fait musical : je pouvais tout simplement aller piocher ce que je voulais dans la collection de mon père, ou aller à une vente de charité et m’acheter une tonne de disques pour une misère. Je suis très vite devenu assez boulimique, je voulais entendre le plus de sons possible, dans tous les genres, de toutes les périodes, un peu au hasard.”
Boulimique : c’est sans doute le meilleur qualificatif pour Braveface, son premier album qu’il a mis quelques années à écrire, seul dans sa chambrette de postadolescent. Ultrapop, aussi, ou génial, ou brillant, ou malin, ou cocasse, gentiment fouineur sous ses rondeurs radiophoniques, un peu foutraque mais bien ordonné, capable de belles cascades derrière ses refrains pour foules hilares – d’une grande drôlerie et désormais entouré d’un véritable groupe, le garçon excelle sur scène. “Je suis souvent attiré par une sorte de juste milieu : j’aime les choses assez complexes et très directes à la fois, les gens qui osent traiter les sonorités d’une manière un peu différente ou qui arrivent à coller beaucoup de choses dans une chanson de trois minutes, faite pour la radio. C’est ce que je veux faire. De l’expérimentation, mais j’aime aussi les barrières qu’impose la pop. C’est ce qui la rend intéressante. Une chanson pop n’existe que par certaines règles qui font ce qu’elle est : la simplicité ; les gens doivent pouvoir la comprendre, elle doit avoir une histoire, un message. Mais une telle chanson peut avoir de nombreux niveaux de lecture : derrière la simplicité, on peut mettre beaucoup d’autres choses. Blur a, par exemple, parfaitement réussi ça, mais mon véritable modèle est Joe Meek.”
Braveface, c’est le Beta Band qui rencontre Gorillaz qui rencontre The Clash qui rencontre Lily Allen qui rencontre The Streets qui rencontre les Specials ; c’est, surtout, le meilleur compétiteur britannique que ne se soit jamais trouvé un Beck au meilleur de sa forme. Braveface est un album electro et organique, simple de loin (ses mélodies superglue) mais complexe au casque (des harmonies richissimes, des couches et des samples innombrables).
Imparable de bout en bout, Braveface est, surtout, un album pour lequel il faut plus de deux mains pour en compter les petits tubes rutilants. L’attaque rugueuse Leaving Town ou la très joueuse et caoutchouteuse Braveface, la très vaguement UK garage (une passion du garçon) mais très précisément efficace Headlock ou les bricolages dingo de la formidable et très Lily Allen Satisfied, la magnifique et ronde I Love You ou les angles aigus de This Time Around : les morceaux de l’Anglais nous accompagnent déjà depuis quelques mois. Increvables et bourrés de surprises, il est probable qu’ils nous suivent quelques saisons encore – Esser est l’un des visages les plus attendus du prochain Festival des Inrocks.
Album : Braveface (Transgressive/Warner)
En concert au Festival des Inrocks Le 8/11 à Paris
(Cigale, avec Jack Penãte, Sliimy, Bombay Bicycle Club
et Marina & The Diamonds)
Headlock
Work it out
Satisfied
I Love You
Headlock (live on MTV)
Sampler en téléchargement à cette adresse.
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