Dans des films muets des années 20, Eric Rondepierre a cherché le disfonctionnement de l’image cinématographique : pellicule mangée, tuméfiée, consumée. Ces images malades, l’artiste en enregistre tous les symptômes, toutes les tumeurs. En deux séries d’altérations, l’une qui porte au visage (Masques), l’autre qui déforme l’action (Scènes). Les images exhumées de ce cinéma-morgue sont […]
Dans des films muets des années 20, Eric Rondepierre a cherché le disfonctionnement de l’image cinématographique : pellicule mangée, tuméfiée, consumée. Ces images malades, l’artiste en enregistre tous les symptômes, toutes les tumeurs. En deux séries d’altérations, l’une qui porte au visage (Masques), l’autre qui déforme l’action (Scènes). Les images exhumées de ce cinéma-morgue sont cadavres exquis : dans la chair meurtrie de la pellicule, Rondepierre décèle des taches aux formes liquides et nuageuses. D’autres fois, la brûlure est violente, au troisième degré sur le visage de l’actrice. Les images, extatiques ou effrayantes, renvoient le spectateur à une position de voyeur, et puisqu’il est question de cadavre, donc de meurtre, à une situation de complicité. L’artiste s’est fait une spécialité d’images traquées, d’un vingt-quatrième de seconde reproduit photographiquement, mélangeant effroi et plasticité. Auparavant, les images, couleur ou noir et blanc, étaient enregistrées sur magnétoscope, puis photographiées sur l’écran cathodique, parfois peintes sur toile et rephotographiées, gagnant une épaisseur. Ici, le travail est direct, la non-participation radicale : « Tout ce que je fais, c’est repérer ces moments, les saisir sur la pellicule. Je ne touche pas l’image, je la fixe, c’est tout. » Etrangement, c’est par sa non-intervention que l’artiste rejoint ces images, faites de froideur et d’envolée soudaine. Devant une mort qui n’est pas celle, annoncée depuis toujours, du cinéma, mais celle, plus humaine, du sujet le visage mangé, le corps tuméfié.
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