Passer des études de l’Ecole du cirque au spectacle professionnel n’est pas sans risque artistique.
Le cirque d’aujourd’hui est bien différent de celui des années Pinder, Bouglione ou Grüss. Il se pratique de moins en moins de père en fils, les écoles ont fleuri et la plus prestigieuse d’entre elles, le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, n’est pas pour rien dans le renouveau. Les fondateurs de Que-Cir-Que, les Arts Sauts, Archaos ou la Volière Dromesko, pour ne citer que les plus célèbres de ces cirques dits « nouveaux », y ont tous été élèves. Ce qui différencie Châlons des autres formations, c’est la politique d’ouverture menée par le directeur Bernard Turin et sa volonté de proposer aux élèves, en plus d’un apprentissage technique de haut niveau, une approche des autres formes artistiques comme base d’une culture générale. Il invite donc plus de cent artistes, metteurs en scène, plasticiens, chorégraphes ou musiciens à intervenir tout au long du cursus. Chaque année, l’un des intervenants est choisi pour mettre en scène le spectacle de fin d’études, une vraie production, avec salaires pour tout le monde. Pour Bernard Turin, produire un spectacle dans ces conditions professionnelles offre aux élèves la possibilité de montrer leur savoir-faire, bien sûr, mais surtout un sas entre leur vie d’étudiants et la plongée dans le monde du travail. D’autant que certains élèves ne bénéficient d’aucun soutien financier familial, les parents voyant rarement d’un bon oeil leur progéniture annoncer « Je veux être acrobate. » Après la création à Châlons, le chapiteau est planté à La Villette à Paris. Certaines de ces productions, comme Le Cri du caméléon mis en scène par Josef Nadj qui avait inauguré le principe il y a quatre ans, continuent aujourd’hui de tourner, d’autres n’ont comme durée de vie que celle de ces deux rendez-vous. Si Bernard Turin a une idée précise quant à la personne à qui il souhaite confier la réalisation de ce spectacle, la décision finale est généralement prise en concertation avec les élèves qui auront déjà travaillé avec les différents intervenants. Cette année, le cas est différent : le choix s’est arrêté sur le metteur en scène et compositeur Jacques Rebotier de manière précipitée. Il cumule les handicaps, puisqu’il n’est arrivé que pour mettre en scène le spectacle et que son univers, essentiellement fondé sur le langage, le jeu de mots, la forme musicale du verbe, n’est pas évidemment en phase avec celui très physique du cirque. Du coup, ce nouveau spectacle, (Voir plus haut), montre les limites de l’exercice. Noyés sous un flot de paroles, encombrés par les mots, les artistes sont finalement fragilisés dans leur savoir technique et ne semblent pas nager dans le bonheur. Pour eux l’enjeu est de taille car c’est sur ce spectacle qu’ils seront jugés, à la fois par la profession et par le public. Avec (Voir plus haut), c’est le metteur en scène qui a du mal à faire exister le cirque, pas les acteurs. Dès qu’ils le peuvent, ils prennent leur indépendance, et quand ils jouent les filles de l’air, font les clowns sur deux cordes lisses ou domptent une énorme structure métallique, ils s’imposent comme de sacrés artistes.
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