Après Toute latitude, Dominique A publie La Fragilité, son tout aussi brillant versant acoustique. Une publication prolongée par celle de son autobiographie, Ma vie en morceaux.
Y aura-t-il une plus belle chanson cette année que Comme au jour premier de Dominique A, dont la beauté dépouillée, la poésie intemporelle et le chant familier émeuvent comme aux premiers jours de La Fossette (1992) ? Hasard ou coïncidence, les trois albums les plus tourneboulants de son auteur ont été interprétés en solo. “Chaque période de ma vie a été définie, délimitée par les disques que j’ai réalisés et les chansons qui en sont ressorties”, comme il l’écrit en préface de Ma vie en morceaux, autobiographie chapitrée en vingt-six titres choisis dans sa discographie, qui paraît en même temps que La Fragilité. Etrangement, Le Sens, introduction mémorable de La Musique (2009), ne fait pas l’objet d’un texte alors qu’il dit beaucoup de Dominique A(né) : “J’ai tout essayé j’ai pas trouvé le sens/On dit que pour beaucoup c’est la même béance.”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Un morceau en hommage à Leonard Cohen
Mais on le sait, au fond de lui, le Nantais d’adoption préférera toujours l’intimisme au maximalisme sonore – chaque disque naissant en réaction au précédent. A l’époque de la réédition de ses huit premiers albums, en 2012, il citait volontiers La Fossette et La Musique dans le peloton de tête. Quatre sorties discographiques plus tard, La Fragilité formerait donc le troisième côté d’un seul et même triangle. D’une constance admirable, d’une exigence artistique rarement prise en défaut, Dominique n’a jamais oublié de citer ses pairs, comme sur La Poésie, morceau d’ouverture écrit après la mort de Leonard Cohen, avec des paroles simples et éplorées : “La poésie s’en est allée/Je la soupçonne d’être passée/Par chez toi.”
Un excellent dytique
Avant une première semaine d’octobre en forme de feux d’artifice (un livre, un album et 50 bougies à souffler), l’intéressé a forcément le sourire. D’autant qu’il ne ressent plus de frustration pour expliquer un diptyque dont l’auditeur ne connaissait alors que la facette électrique avec Toute latitude. Ces deux disques sont “les deux faces d’une même pièce, complémentaires et indissociables, solaire d’un côté, sombre de l’autre” pour reprendre exactement les mots de Dominique Ané à propos de Philippe Katerine, son “ami de trente ans”.
Avec ses “envies de son et d’écriture contradictoires” rassemblées dans douze albums, le chanteur le plus prolifique de sa génération sait, mieux que personne, qu’il est arrivé à un tournant de sa carrière, bien plus décisif que le cap symbolique de la cinquantaine. Il le dit sans ambages et avec une franchise rare : “Je ne reviendrai pas avec un disque comme La Fragilité. Pour les gens qui me suivent, il n’y a plus de surprise. Mon idéal artistique demeure Laughing Stock de Talk Talk. J’aimerais parvenir à ce type de suicide commercial, tout en étant artistiquement aussi incontournable.”
{"type":"Banniere-Basse"}