Avec “Big Time”, collection de chansons à l’acidité capiteuse, l’inestimable autrice-compositrice signe un grand disque intemporel.
Si Big Time fait suite dans la discographie d’Angel Olsen à All Mirrors, son album maximaliste de 2019, plusieurs projets ont procédé de cette traversée des miroirs : Whole New Mess (2020) avait en ligne de mire le dépouillement, le dévoilement, le retour aux sources, quand, à l’inverse, l’EP Aisles (2021) montrait d’elle une facette expansive à travers des reprises exubérantes.
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À la manière d’une Lana Del Rey qui a fait suivre son prolixe Norman Fucking Rockwell! (2019) par le sublimement apaisé Chemtrails over the Country Club (2021), Angel Olsen passe de l’œuvre-monde au frisson classiciste. On y croise d’ailleurs Drew Erickson (au piano et aux superbes arrangements de cordes), qui avait œuvré sur le Blue Banisters de Lana en 2021.
La tristesse toisée en face
Avec ses chansons à l’acidité capiteuse, Big Time (réalisé avec Jonathan Wilson) fait d’Angel l’égale d’une Dory Previn : installant une voix absolument souveraine, le disque s’ouvre sur une break-up song qui entre d’office au panthéon d’un genre comptant tout de même parmi ses fleurons l’essentiel du Blood on the Tracks de Dylan.
On trouvera au fil de l’album des notes discrètes de claviers mercuriels, mais aussi des vagues presque spectoriennes, des montées ménagées par les batteries, qui désarçonnent et distillent de fausses alertes avant d’exploser sans crier gare.
Sur Go Home, elle côtoie la brûlure d’une PJ Harvey puis, sur Right Now, la caresse de Dusty Springfield avant que les couplets ensoleillés ne se terminent en tempête.
Des aspirations contemporaines
Son plus beau prédécesseur serait peut-être South Atlantic Blues de Scott Fagan (1968) – pour cette tristesse toisée en face, pour son utilisation parcimonieuse mais cruciale des cuivres.
Mais Big Time est aussi un disque de deuil, Olsen l’ayant enregistré peu après avoir perdu ses deux parents. Dans la plupart des chansons de cet album irrigué de vie, Angel constate dans sa chair et ses nerfs la puissance qu’il y a à faire un pas en arrière pour considérer le chaos de son existence, mais aussi pour donner une forme à nos errements.
Ce disque qui “cherche le soleil” trouve au passage une lune de nuit américaine – un Chasing the Sun en guise de finale hollywoodien se termine par les mots “driving away the blues”. Alors on remercie Angel Olsen de nous avoir laissé·es, avant de partir vers de nouveaux horizons, un tel classique intemporel tissé de si contemporaines aspirations.
Big Time (Jagjaguwar/Modulor). Sortie le 3 juin. Concerts le 1er octobre à Lyon (L’Épicerie Moderne) et le 14 octobre à Paris (Bataclan).
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