Roccailleux. Ce très jeune vétéran du hip-hop sort un premier album flamboyant, intransigeant mais fluide. Et questionne le rap d’ici. Dilué, émasculé, maquillé en variété, le rap français s’emploie souvent à noyer sa rage et sa verve pour tutoyer les tops. “Le hip-hop est malade, au pays des chansons fades la France détient l’ambassade, dans […]
Roccailleux. Ce très jeune vétéran du hip-hop sort un premier album flamboyant, intransigeant mais fluide. Et questionne le rap d’ici.
Dilué, émasculé, maquillé en variété, le rap français s’emploie souvent à noyer sa rage et sa verve pour tutoyer les tops. « Le hip-hop est malade, au pays des chansons fades la France détient l’ambassade, dans l’Hexagone MC rime avec clown », souligne Rocca, du collectif La Cliqua, sur son flamboyant premier album solo. Heureusement, dans l’ombre, les gardiens du temple, tel cet « ancien » du mouvement âgé d’à peine 21 ans, ne sont pas près de vendre leur âme : idéaliste, positif, combattant de l’ignorance, « pressé de bâtir un monde parfait basé sur le respect », Rocca signe un manifeste hip-hop comme on n’osait plus en espérer au pays décervelé d’Alliance Ethnik et Réciprok. « J’aurais pu vendre du shit, faire du blé, j’ai préféré dealer des mots, des rimes, monter de l’anonyme » car « le hip-hop est mon royaume, mon home sweet home », « la seule défense que j’aie trouvée parmi les lois. » Ça ne le dispense pas pour autant de critiquer le mouvement rap où « les jalousies s’aiguisent, les MC rivalisent » faisant perdre à l’underground « sa Terre promise ». Au-delà de ses rimes affûtées et patiemment ciselées, Rocca rend enfin justice à l’art du flow, point faible récurrent du rap d’ici, et pulvérise la concurrence haut la main avec sa cadence originale et versatile, ajustée sur de belles mélodies dépouillées, élaborées précisément pour souligner et mettre en valeur le message. Franco-colombien, Rocca vit « entre deux mondes », Paris et Bogota, « pris en sandwich entre la lumière et l’ombre », « là où le bien, le mal se surplombent, là où voler, tricher peut servir à sortir des décombres. » De ce décalage, il puise le recul salvateur dont manquent souvent ceux de sa génération, étranglés par le béton des cités, pour tisser l’espoir et montrer la voie. Hip-hop, police, politique, immigration sacrifiée, violence autodestructrice : si sa thématique diffère peu de celle de ses pairs de qualité, Rocca a une façon bien à lui de raconter ou dénoncer sans jamais se laisser aller aux dérapages verbaux, conscient qu’« un jeune qui pense est une menace en puissance ». Virulent et émouvant, son discours habité est à rapprocher de celui de Nas : tous deux représentent « ceux que l’on oublie » et quand Nas affirme « The world is yours », Rocca répond en écho « Je crois en moi, en toi, le futur est entre nos mains, et rien ne doit pouvoir barrer nos chemins. »
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