On dit bravo à cet excentrique songwritter américain.
Soyons honnête : on n’avait jamais entendu parler du sieur Guy Blakeslee, ni de ses disques de blues-folk famélique d’il y a une dizaine d’années, déjà sous le nom d’Entrance, ni même de ses albums en trio stoner/psyché avec The Entrance Band. Originaire de Baltimore et compagnon de vagabondage au fil du temps de Sonic Youth, de Will Oldham ou d’Animal Collective, hobo typique de la New Weird America chère à Greil Marcus, Blakeslee a traîné ses guêtres à Chicago avant de s’installer à L. A. et d’y entamer une incroyable métamorphose.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Du gribouilli lo-fi à la poésie
Des gribouillis lo-fi agaçants et autocomplaisants des débuts, il ne reste plus rien, balayés qu’ils sont par un souffle qui se déploie dès le magnifique Always the Right Time, où quelque chose de la candeur originelle d’un Roy Orbison renaît comme par magie, mais sans excès de vernis rétro. D’opulentes ou plus discrètes orchestrations de cordes sur fond de country-rock baroque, voilà en gros la matrice d’un disque qui déchire souvent le cœur, rappelle sans s’appesantir d’autres fantômes de la musique américaine, celui de Townes Van Zandt lorsqu’il s’attaquait à des montagnes (I’d Be a Fool, The Avenue), celui également de Love à travers la flamenco-pop de Molly, qui évoque les vertiges de Forever Changes.
Un songwritter au chemin singulier
Sur les morceaux plus sobrement vêtus, comme la ballade Summer’s Child où il est accompagné de voix de sirènes en suspension, c’est plus volontiers à Leonard Cohen que l’on songe, comme si Guy Blakeslee, sans aucun artifice transformiste, était parvenu à digérer en dix chansons seulement ses pairs les plus glorieux, et une grande partie sanctuarisée de nos discothèques, le rayon singer-songwriter épuise-Kleenex.
Sur ce territoire pourtant labouré depuis des décennies par tant de plumes (et pas mal de semelles de plomb), il parvient à trouver une voie singulière, une écriture et un chant au lyrisme jamais forcé, assortis d’un sens du storytelling qui le propulse d’emblée parmi les premiers rangs. Après une quinzaine d’années à ruminer dans les tréfonds de la musique américaine, Entrance fait donc une entrée fracassante en pleine lumière.
{"type":"Banniere-Basse"}