Ils sont français mais ont choisi l’anglais première langue pour leur folk, leur pop ou leur rock. Avec Cocoon, The Bewitched Hands ou Aaron, on ne hurle plus cocorico mais cock-a-doodle-do.
La quasi totalité des maquettes en anglais ? L’évolution réside ici : les ambitions des jeunes Français sont à la hausse. “Le français, il faut être clair, ça te permet d’aller en Belgique, en Suisse et au Canada, explique Marc de Cocoon. On assume l’ambition d’aller dans le monde entier, même si on peut le percevoir comme de l’arrivisme – perception qui n’existe pas ailleurs qu’en France. Il y a un complexe vis-à-vis de ça.” Et ça marche, ça marche même bien. La France s’exporte, la France est aimée. Pas simplement parce qu’elle chante en anglais mais également parce que, quelle que soit la langue, elle est française.
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“Même si j’écris parfois en français, qu’on joue des morceaux francophones sur scène, il serait dommage de s’accrocher de cette manière à la langue, expliquent presque en cœur Simon et Olivier d’Aaron. Les groupes d’ici qui chantent en anglais portent aussi quelque chose qui n’appartient qu’à la France, ça ne gomme pas tout. Les quotas, c’est d’une certaine manière comme limiter la peinture à trois couleurs ou à deux styles…” Même propos chez Sylvain Taillet : “Davantage que la langue, ce qui compte surtout, c’est la singularité des artistes : il n’y a pas vraiment de dénominateur commun entre tous ces groupes français qui s’exportent, sinon qu’ils ne miment pas ce qui se fait ailleurs. Les Français qui chantent en anglais entrent en concurrence avec le monde entier : il faut sortir du lot, proposer des choses atypiques pour réussir à se faire un nom ailleurs qu’en France et attiser la curiosité.”
[attachment id=298]Une personnalité suffisamment curieuse pour mettre le monde à l’envers. A l’instar d’un Yann Tiersen, qui s’est définitivement tourné vers l’extérieur en signant avec les labels Mute en Europe et Anti aux Etats-Unis, ou à l’exemple du carton critique du groupe 1973 en Grande-Bretagne, des labels anglo-saxons se mettent aujourd’hui à faire leur marché, en pleine confiance, chez les groupes français. Pourtant à la tête d’un label on ne peut plus anglais (Parlophone, maison mère de Coldplay, Blur ou The Beatles), Miles Leonard est prêt pour cette nouvelle distribution des rôles. “Il n’est plus question de savoir si nous allons signer un jour un artiste français sur Parlophone mais quand nous allons le faire. Historiquement, il y a un gros déficit. Mais depuis Phoenix ou Daft Punk, la balance se rééquilibre. Il ne s’agit plus de cas isolés. La pop-music s’est globalisée, les groupes pensent immédiatement aux possibilités internationales car ils dialoguent avec des promoteurs, des radios sur internet. Les Suédois ont très vite compris qu’il n’y avait aucun espoir avec leur propre marché : on ne compte plus aujourd’hui les songwriters et les producteurs suédois qui cartonnent dans le monde entier. La France a longtemps regardé à l’intérieur de ses frontières. Cette époque est révolue : il fallait juste que quelques artistes lèvent la barrière.”
La journaliste anglaise Fiona Sturges assiste elle aussi, en direct de ses colonnes de The Independent, à la chute inexorable de l’empire anglo-saxon. “Pendant des décennies, on s’était partagé le monde du rock et de la pop entre Américains et Anglais… On vivait sur les clichés de nos parents, de nos grands-parents : le reste du monde nous était forcément inférieur… Soudain, on se retrouve à interviewer Air et on se rend compte que la roue a tourné, que même la pop-music, l’ultime joyau de la couronne, n’est plus un acquis, plus notre exclusivité.”
Albums :
Cocoon Where the Oceans End (Barclay/Universal)
Aaron Birds in the Storm (Cinq7/Wagram)
The Bewitched Hands Birds & Drums (Savoir Faire/Sony Music)
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