Ils sont français mais ont choisi l’anglais première langue pour leur folk, leur pop ou leur rock. Avec Cocoon, The Bewitched Hands ou Aaron, on ne hurle plus cocorico mais cock-a-doodle-do.
La différence s’est également faite ici. Fini les cours d’anglais collé au radiateur, à se foutre de quiconque essaie de dire “where is Ben ?” plutôt que “ouairizebène ?” devant ses camarades. Certes, le niveau global n’a pas vraiment évolué vers le bilinguisme mais l’exposition à la langue anglaise a, ces dernières années, été totalement bouleversée. L’apparition des DVD et des chaînes numériques, donc de la version originale, et l’explosion du téléchargement ont notamment permis de s’arracher aux répétitions scolaires pour s’imposer comme une nécessité quotidienne. “Télécharger Lost en anglais pour voir les épisodes dès leur passage, sans les sous-titres, ça a mine de rien été très important pour moi”, explique Marc.
[attachment id=298]Les jacquestoubonistes auront beau jeu de hurler à la mort de la belle langue de la nation d’Hugo, du grand Charles, de Barbara et de Michel Sardou. Sans doute n’ont-ils pas tout à fait à tort ni tout à fait à raison. “On doit défendre une certaine forme de chanson française, élégante, à texte, explique Sylvain Taillet. Il ne faut pas oublier le marché français : les deux plus gros succès en France des dernières années, chez Barclay, sont Renan Luce et Cœur de Pirate, qui chantent en français – et ils vendent beaucoup plus de disques que Charlotte Gainsbourg, tous pays confondus. Le rock à la française et en français, je pense notamment à Deportivo ou Eiffel, a aussi tendance à s’évaporer, alors qu’il a souvent quelque chose d’unique à apporter. C’est un vari défi que de mettre du français en musique, c’est un exercice créatif difficile et les jeunes font moins l’effort de le tenter.”
La défense de la langue française en chanson – qui d’ailleurs se porte bien merci pour elle, demandez aux Québécois – ne doit en revanche pas castrer toute tentation de l’universel. Le système des quotas, porté par une loi qui impose aux diffuseurs 40 % de chansons en français et a été, rappelons-le, responsable en grande partie de l’immonde tsunami de boys bands (pardon, de groupes de garçons), complique les choses pour tout le monde. Le même Sylvain Taillet : “Tant qu’on reste sur un système de quotas, qui se fonde sur la langue française mais ne prend pas en compte les productions françaises comme Feist ou Gonzales, ça restera compliqué pour un groupe qui chante en anglais de fonctionner en France. C’est absurde : on en arrive à demander à Placebo ou à Nada Surf de faire une reprise d’un morceau en français pour entrer en radio. On peut vouloir défendre la culture française, mais pour la faire briller dans le monde, il faut aussi aider la production française en général, quelle que soit la langue. Près de 90 % des maquettes que je reçois sont chantées en anglais : ça a beaucoup évolué ces dernières années.”