Asian Dub Foundation assemble ses chansons en studio comme on jouerait au Tetris. Voix hindi plaintive de Sonia Mehta au centre, basse ronflante descendue tout à gauche de la ligne, brique de breakbeats écrasée dans l’intervalle. Enemy of the Enemy est donc ludique comme un jeu électronique russe. L’album fonctionne par niveaux de complexité du […]
Asian Dub Foundation assemble ses chansons en studio comme on jouerait au Tetris. Voix hindi plaintive de Sonia Mehta au centre, basse ronflante descendue tout à gauche de la ligne, brique de breakbeats écrasée dans l’intervalle. Enemy of the Enemy est donc ludique comme un jeu électronique russe. L’album fonctionne par niveaux de complexité du mixage des douze plages. Niveau 1 : titres fastoches, limite fastidieux à réaliser, comme Cyberabad. Niveau 2 : tout désigné pour les apprentis remixeurs, avec 19 Rebellions et son montage ciselé ou le très taha-rachidien Dhol Rinse. Niveau 3 : ça se corse avec des titres traîtres comme 2 Face, dont la dualité est évidente ? rap introductif posé, cédant du terrain à un refrain punk ?, voire le Rise to the Challenge, que le programmateur et DJ Pandit G a fait éclectique, pop dans sa mélodie, dopé aux tablas dans ses contours. Puis le niveau balèze, Blowback, avec les zygomatiques des chanteurs détendus à la machette, à ne surtout pas tenter de reproduire chez soi sous peine d’explosion cérébrale rapide.
Le magicien des studios On U Sound, Adrian Sherwood, fournisseur de caissons de basse et d’oxygène, a opéré une sérieuse reconsidération du son des Anglais, avec plus de réverbération dans les fins de phrases et bien moins de riffs dégoulinants. Le groupe a invité Ghetto Priest, référence du label de Sherwood, leur pote Navigator et le Radiohead Ed O Brien afin d’ouvrir encore un peu plus la boîte de Pandit, déjà pleine de programmations éclatantes. A force d’exporter sa curiosité critique en dehors de cette forteresse européenne toujours aussi embarrassée par ses immigrés, le groupe continue de cultiver un art du contre-pouvoir habile. Enemy of the Enemy n’est pas un énième journal de scouts en culotte courte, sa dimension est internationale.