Porte-parole de la néo-soul made in France, Julia a dévoilé “LONGO MAÏ”, un deuxième EP aussi intime que groovy, confirmant son statut d’autrice et de nouvelle voix de la chanson française. Rencontre.
Dans l’une des pièces climatisées des locaux des Inrocks, Julia fait défiler une playlist Spotify qu’elle a créée, régulièrement alimentée de nouveautés. Celle-ci s’appelle VIBES FRANCOPHONE (en très gros), avec comme sous-titre La crème Néo-Soul R&B (Francophone only) et compte déjà près de 200 titres. Entre les Sopico, Makala, Bonnie Banane, Anna Majidson, Disiz et même Hubert Lenoir, on y croise une poignée de morceaux du trio The Hop, une autre de Crayon et quelques autres d’Oscar Emch. Soit, avec Bastien Cabezon et Terrenoire, une flopée de musiciens qui se partagent la production du très réussi LONGO MAÏ, le deuxième EP d’Enchantée Julia paru début juin, trois ans après l’inaugural Boucle.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Là où la première incursion discographique de Julia semblait miser sur une certaine homogénéité dans le son, faisant de l’objet un écrin scintillant et groovy qui la plaçait d’emblée dans le top 10 des artistes à suivre de près, LONGO MAÏ oppose un éclatement salvateur, conférant à la chanteuse le statut d’autrice à part entière qui lui manquait. Conçu comme un espace de liberté oscillant entre pop et chanson française, l’EP, sans jamais amoindrir la part du groove, met ainsi davantage la plume dans la plaie et précise le sujet. Rencontre.
LONGO MAÏ, ton nouvel EP, est sorti depuis plus d’une semaine. Comment te sens-tu ?
Enchantée Julia – C’est un soulagement pour moi d’avoir sorti ce disque, parce qu’il est fini depuis longtemps maintenant, janvier exactement. On est en juin, il s’est donc passé du temps. J’étais très impatiente. Des morceaux ont été dévoilés en amont, bien sûr, mais j’avais hâte que l’ensemble sorte. D’autant que, depuis, j’ai reçu de longs messages pour m’en parler. Pas seulement des petites pensées, mais des textes qui sont des lettres d’amour détaillées, évoquant les chansons, le mood, le son, la voix, les textes… Je suis comblée. J’apprécie aujourd’hui, même si à un moment, j’ai quand même été très angoissée à l’idée de le sortir.
Au point d’hésiter à sortir ce disque ?
J’ai eu un moment de panique courant avril, je remettais tout en question. Aujourd’hui, je suis en paix et ancrée dans ce projet. Le jouer, le faire vivre sur scène, c’est maintenant ma priorité.
Quoi doit-on s’attendre en concert ?
On sera trois sur scène, avec The Hop, qui produit également quelques titres sur l’EP. Il y aura Ben à la batterie et Dani à la guitare, et moi je resterai derrière le micro. C’est déjà beaucoup ! J’interprète mes chansons, je donne mes chansons, je vis mes chansons. Être instrumentiste, je l’ai fait sur des tournées qui n’étaient pas les miennes, je préfère me focaliser sur l’interprétation.
Boucle, ton premier EP, est sorti en 2019, il y a maintenant trois ans. Tu n’avais pas envie de publier un album ?
Pour ça, il faut du budget et du temps. Il y a eu le Covid et beaucoup de choses dans ma vie, je n’avais pas forcément les moyens de faire un album là, maintenant. En revanche, j’avais ces chansons avec moi que j’avais envie de sortir. S’il avait fallu attendre l’album, on aurait tout repoussé à 2023, alors que l’EP marche bien, il y a un mood, un univers, quelque chose qui se dessine. Et puis, les gens s’en foutent que ce soit un EP ou un album. Quand on me félicite, on me dit “il est super ton album” (rires).
Ton premier maxi était plus homogène dans sa production, tandis que LONGO MAÏ est plus éclaté, avec une palette de sonorités plus large, et semble davantage en prise avec l’écriture. À quoi cela est-il dû et comment mesures-tu l’évolution de ton travail depuis ces trois dernières années ?
Je ne me suis pas posé la question. Je pense que cela tient au fait qu’il y a ici différents producteurs (Terrenoire, The Hop, Crayon, Oscar Emch, Bastien Cabezon, ndlr). Ça fait beaucoup de monde et tous sont très différents. Je ne me suis jamais dit que j’allais me tourner vers des formats plus “pop” ou “chanson”, tous ces morceaux sont juste nés à un moment particulier avec une volonté : celle d’aller plus loin dans l’intimité. LONGO MAÏ reste poétique, mais il est plus précis, moins léger. L’une des évolutions les plus notables, c’est que j’ai écrit tous les textes.
Avant, tu étais co-autrice, n’est-ce pas ?
Oui, je n’avais pas confiance en mon écriture. J’étais très complexée, je me trouvais trop légère, j’avais l’impression de mal écrire. Or, moi, je voulais que tout soit écrit le mieux possible, c’est pour cela que j’avais demandé à Raphaël Herrerias (du duo Terrenoire, ndlr) ou Fils Cara, des gens qui savent vraiment écrire, de m’aider. Et ces trois dernières années, j’ai fait le chemin. J’ai laissé ma plume et mon cœur aller. C’est sorti comme ça.
L’une des forces des deux EP, c’est cette capacité à créer une espèce d’écrin, un mood. Mais sur LONGO MAÏ, s’ajoutent des moments plus sensibles, plus personnels, comme le titre MOUSSA, qui fait figure ici de pierre angulaire du disque.
C’est cette chanson qui m’a donné la ligne directrice pour la suite du projet. J’ai eu un déclic. Quand je l’écoute encore aujourd’hui, ça me fait tout drôle. Et quand je la chante sur scène, c’est très particulier. Elle est par ailleurs costaud à chanter, ce n’est pas simple !
C’est justement la chanson la plus minimaliste du disque. En faire quelque chose de plus orchestral n’aurait pas sonné juste.
C’est un simple guitare, voix. Mais on a en effet essayé beaucoup de choses, avec une batterie, notamment. Et puis on a épuré. Tout ici est au plus brut. On a même gardé la voix témoin. C’est d’ailleurs à l’image du reste. Le texte de TOUCHER TOI, à la base, c’était du yaourt. Mais Raphaël m’a dit : “Non, tu gardes tout” !
Comment, à partir de ce morceau, as-tu tissé la suite ?
Il y a eu un élan, une inspiration. C’est le premier morceau composé avec The Hop. Il m’a donné le ton. Sans le vouloir, les autres chansons sont arrivées.
Les morceaux partent toujours d’une production que tu reçois ?
Ça dépend. Pour MOUSSA, c’était le cas. Dani m’a envoyé des boucles de guitare et parmi celles-ci, il y avait le début et le refrain du titre. J’ai eu une inspiration instantanée, parce que les accords, très jazz, m’ont touchée. La mélodie, le texte, tout est venu d’un coup, je n’avais jamais connu ça. Pour d’autres, comme QUESTIONS et TOUCHER TOI, j’avais déjà les mélodies. Quand je travaille sur les bases des bouts de prods qu’on m’envoyait, il y avait tout à construire. Je ne suis pas vraiment sur l’ordi et je suis nulle avec Ableton, mais je sais exactement ce que je veux entendre en termes de son et d’arrangement. C’est un travail d’équipe.
LONGO MAÏ veut dire “pourvu que ça dure” en provençal. C’est un mantra ?
C’est vraiment un truc à l’ancienne. Ça veut dire “longue vie”, oui. Il y avait une maison à côté de celle où j’ai grandi qui s’appelait Longo Maï, et quand ma mère ma expliqué la signification de cette expression, ça m’a marqué. Après le décès de la personne qui occupait cette maison, une personne que j’aimais beaucoup, j’y ai repensé, et je me suis dit que ça résumait pas mal les épreuves par lesquelles je suis passée ces dernières années. J’avais besoin de positivité et de spiritualité, et puis je trouvais ça joli. Ça sonnait comme un souhait ou une belle prière.
Tu es toujours très entourée, que ce soit dans l’écriture ou la composition, c’est important pour toi cet esprit de clan ?
C’est une sorte de famille et ça me paraît important d’avoir des repères. Raphaël, c’est un repère dans le texte. J’admire son écriture. Terrenoire, ils ont gagné une Victoire de la Musique (révélation masculine, ndlr), mais beaucoup de belles choses les attendent. Pour Fils Cara, c’est la même chose. Il m’a aidée sur le premier projet et on s’est retrouvés ici sur PLUS FORT QUE MOI, quand je sentais que ça pêchait et que le format chanson n’était peut-être pas mon domaine. Benjamin Epps, quant à lui, j’avais suivi son parcours. C’est lui qui m’a contactée en premier lieu pour me proposer une collaboration. On a commencé à s’envoyer des trucs. Il m’a proposé des prods pour son projet et j’ai fait pareil, et finalement ça s’est fait comme ça.
Quand tu as commencé à chanter, tu avais aussi à cœur d’écrire tes propres chansons ?
Je voulais faire les deux, mais quand on joue de cette musique, je crois d’abord qu’on a la volonté d’être vocaliste. J’ai donc travaillé la voix, d’autant qu’au début je n’arrivais pas à écrire en français. Je trouvais que ça ne groovait pas. Quand je me suis rabattue sur l’anglais, c’était pour faire des reprises d’Erykah Badu, Aaliyah ou Missy Elliott. La voix et la musicalité, parce que je faisais aussi beaucoup de jazz, c’était là où je plaçais mes efforts.
À l’aune de ton évolution et de la sortie de cet EP, comment revois-tu ton éducation musicale ?
Le côté chanson française ressort davantage aujourd’hui. J’ai la volonté, maintenant que j’ai davantage confiance en mon écriture, d’écrire réellement des chansons. Des choses précises. Le côté néo-soul se ressent, lui, davantage dans le côté organique de ma musique.
Maintenant que tu te sens enfin à l’aise en tant qu’autrice, j’imagine que tu passes beaucoup de temps sur l’écriture ?
Pas du tout, c’est la page blanche (rires) ! Je suis surtout focalisée sur la sortie. L’énergie est là, j’ai l’envie et le besoin d’interpréter mes chansons sur scène.
Propos recueillis par François Moreau
EP : LONGO MAÏ (Maison La Chapelle/Roche Musique)
Concerts : Le 25 juin, à Lyon (Transbordeur) et le 15 novembre, à Paris (Badaboum)
{"type":"Banniere-Basse"}