Il y a 8 ans, le groupe sortait une chanson évoquant les réactions le jour du décès de Johnny Hallyday. Mais censuré par la Warner, le titre n’est jamais sorti. Laurent Honel, guitariste des Fatals Picards et auteur de ce morceau, revient pour nous sur l’histoire de cette chanson interdite.
En 2009, les Fatals Picards veulent inclure une chanson au thème original dans leur nouvel album Le Sens de la gravité. Intitulée Le jour de la mort de Johnny, elle prévoyait ce que nous vivons aujourd’hui le 6 décembre 2017: « Le jour où tu oublieras de vivre, j’oublierais d’être libre (…) On se sentira tous un petit belge, on se sentira tous un petit peu triste, on se sentira tous un petit peu suisse oh oui, le jour de la mort de Johnny« .
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Oui mais voilà le groupe a la même maison de disques que le rockeur: Warner, qui demande son avis à Johnny Hallyday… Celui-ci aurait demandé alors à ce que le morceau ne soit pas inclus dans l’album. Mais un clip a déjà été diffusé, et le bad buzz arrive. Les Fatals Picards dépublient alors leur vidéo, et diffusent un communiqué, comme le raconte Slate: « pour couper court à certaines rumeurs, la chanson ne « souhaite » pas la mort de « l’idole des jeunes », et ne cherche en aucun cas à nuire à la personne de Johnny Hallyday. Au contraire, il s’agit d’un hommage à « l’icône » ou au « mythe » Johnny Hallyday, mais en restant sur le mode humoristique qui fait la marque de fabrique des Fatals Picards. Il était tentant de nous interroger avec humour sur la nature des manifestations qui auront lieu ce jour-là – jour que nous espérons sincèrement le plus lointain possible – et d’imaginer les éventuels débordements qui ne manqueront pas d’entourer un tel événement (…) Nous avons peut-être agi un peu vite et dans le feu de l’action nous n’avons pas réalisé l’ampleur que cela pouvait prendre. (…)Nous nous excusons donc auprès de Johnny Hallyday et de son entourage ».
Laurent Honel, le guitariste des Fatals Picards et auteur de « Le jour de la mort de Johnny », revient pour nous sur l’histoire de cette chanson interdite:
Comment avez-vous eu l’idée de cette chanson ?
Laurent Honel: L’idée n’est pas venue de la mort de Johnny en fait, mais des rumeurs de son exil fiscal, dont on parlait beaucoup il y a dix ans. Je me disais: ‘c’est un Belge devenu une icône française en parlant du rêve américain qui veut partir en Suisse’, il y a quelque chose à dire sur ces quatre nationalités… Mais ce n’était pas du tout pour se moquer, j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour lui.
Il représentait quoi pour vous à ce moment-là ?
J’ai grandi avec Johnny, dans les années 70…. Il était à ce moment là dans une période un peu transitoire, mais il était toujours très rock’n’roll. Mes parents n’avaient pas de disque de lui, mais j’écoutais ses titres. C’est grâce à lui que j’ai découvert Tennessee Wiliams par exemple. Et puis j’ai toujours été très impressionné par ses collaborations. Il avait toujours les meilleurs guitaristes, les meilleurs instrumentistes… Et qui écrivait pour lui ? Michel Berger, Françoise Sagan, Philippe Labro, Miossec. J’étais fasciné par la fascination qu’il exerçait auprès de l’intellegentsia intellectuelle, tout en restant très populaire. C’était le seul à réussir ça.
Vous imaginiez que le titre prendrait une telle ampleur médiatique ?
Franchement oui, un peu. En s »attaquant » à Johnny, on se doutait que ça allait buzzer. Après bien évidemment, nous n’avons jamais espéré sa mort, on le disait à l’époque, « le jour de cette mort, nous le souhaitons le plus lointain possible« . Certaines personnes croyaient que nous n’aimions pas Johnny, mais franchement, on n’écrit pas sur les personnes qu’on déteste. On a fait des titres sur Bernard Lavilliers, Yannick Noah et Johnny, c’était à chaque fois parce qu’on ressentait de la tendresse pour ces personnalités-là.
Vous avez été déçus que Warner demande l’avis de Johnny sur votre titre ?
Ca ne nous a pas surpris. Nous étions un petit groupe dans une grosse industrie. Et Warner venait juste de récupérer Johnny… Nous avions écrit une lettre à Johnny pour lui expliquer le texte, mais nous n’avons jamais eu de réponse. Tout s’est fait par des intermédiaires, et ils étaient très nombreux autour de lui. Dans ce sens là, c’était vraiment l’Elvis français, il avait un entourage conséquent autour de lui.
Quelles raisons vous a-t-on données pour vous demander de retirer ce titre de l’album ?
Que le sujet était trop délicat. Que Johnny n’était pas à l’aise avec ce sujet de la mort… Après comme je vous le disais, on nous l’a fait comprendre par des intermédiaires. Nous n’avons jamais eu de discussion avec lui là-dessus.
Retirer cette chanson de l’album, ça n’a pas été trop dur ?
Si, on tenait à ce titre. Et c’est un titre qui plaisait à nos fans. En plus notre album comprenait assez peu de morceaux, donc en retirer un c’était compliqué… C’était un mauvais coup de la Warner: c’est cette censure qui a fait le buzz, on a également dû retirer le clip qu’on avait mis en ligne. Alors que sans tout ça, le morceau aurait peut-être connu une autre vie… Surtout qu’il n’est pas méchant. Je ne changerais pas une virgule au texte, aujourd’hui. C’est truffé de références aux chansons de Johnny.
Pourquoi avoir décidé de continuer à la jouer en live ?
Parce que c’est une chanson qui nous appartient, et que rien ne peut nous empêcher de jouer nos morceaux. On n’allait pas se priver d’un morceau qui nous faisait plaisir, et qui faisait plaisir aux fans. Et la jouer ou pas en concert, ça ne changeait pas grand chose.. On a arrêté au bout de 4 ou 5 ans parce qu’on en avait marre de la jouer en live…
Vous pourriez la jouer à nouveau en concert ?
Oui, c’est possible. Peut-être pas tout de suite… Après, maintenant que c’est arrivé, le message du titre est différent. Des fans de Johnny m’ont dit que le morceau devenait plus émouvant aujourd’hui, il y a un surcroît de nostalgie, ce serait un hommage.
Si vous aviez pu discuter de ce titre avec Johnny, vous lui auriez dit quoi ?
Ah j’aurais vraiment aimé… Je lui aurais dit « Lis juste les paroles, vois à quel point c’est bourré de tendresse pour toi, c’est truffé de références sur tes chanson, celles qui m’ont touchées. Ce n’est que de l’amour et de l’humour’. Et il m’aurait répondu « Ah que d’accord ».
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}