Les émeutes anglaises pourraient coûter cher à l’industrie britannique du disque : l’incendie cette nuit d’un immense entrepôt pourrait même signer l’arrêt de mort de nombreux labels indépendants.
L’industrie du disque, notamment britannique, n’était pas en forme. En pleine nuit d’émeutes urbaines, l’incendie la nuit dernière d’un gigantesque entrepôt appartenant à Sony DADC à Enfield, dans la banlieue Nord de Londres, risque de la mettre encore un peu plus à terre. L’information a ainsi ce matin provoqué une panique tangible sur Twitter, tant en Angleterre qu’en France, chez tous ceux qu’elle pouvait directement toucher : si l’énorme installation servait d’usine de pressage pour de nombreux labels, les disques en commande étant donc a priori perdus, elle servait aussi et surtout de stockage principal, unique ou secondaire pour une partie importante des acteurs du secteur, et notamment pour PIAS.
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PIAS, qui distribue en Grande-Bretagne et en Europe d’innombrables labels, Beggars/XL, Domino, Wall of Sound, Warp, Rough Trade, Ninja Tune, Sony Music lui-même, des dizaines d’autres : dans la panique générale, l’étendue des dégâts n’a pas à l’heure actuelle été officiellement et globalement précisée, mais ce sont plus de 150 structures de toute taille qui auraient été touchées, dans des proportions restant encore à définir. « Nous savons que le bâtiment a été détruit et nous attendons de savoir à quel point cela va toucher PIAS » a twitté ce matin Darren Hemmings, de PIAS UK.
Aucun mort n’est heureusement à déplorer et les assurances devraient, à terme et on l’espère, jouer leur rôle. Mais l’impact économique en Grande-Bretagne pourrait être important, notamment sur les plus petites structures pour qui la destruction des stocks signifie un arrêt pur et simple à court terme de toute activité, donc le tarissement de revenus déjà maigres. Rock Action, le label de Mogwai, Sonic Cathedral ou Chemikal Underground sont apparemment durement touchés : une liste des labels distribués en Grande-Bretagne par PIAS a été publiée à cette adresse par un internaute, ou plus officiellement à celle-ci par l’Association of Independent Music, et si tous n’ont sans doute pas été frappés, elle donne une idée du cataclysme potentiel. D’autres n’ayant pas mis tous leurs œufs dans le même warehouse auront sans doute un peu plus de chance : c’est le cas par exemple de Domino ou Kitsuné, dont seule une partie des stocks était à Enfield.
« C’est pour nous une dévastation, a expliqué à la BBC6 un salarié de Rough Trade. PIAS distribue beaucoup de labels. C’est un chaos complet, nous ne savons pas combien de temps il leur faudra pour se remettre sur pieds. Il semble que certains aient perdu tout ce qui se trouvait dans l’entrepôt. Je suis sûr que certains labels n’étaient pas assurés. Je suis sûr que certains vont disparaître. »
En écho, Nathaniel Cramp, patron de Sonic Cathedral chez qui sont notamment signés l’excellent Team Ghost ou Sarabeth Tucek expliquait au NME que « rien ne serait vendu pendant des mois » et qu’il « ne savait pas ce qui allait se passer ». « Il n’y a aucun moyen de distribuer nos disques, précisait-il. Mes stocks ont disparu. Je ne peux pas me permettre de faire presser à nouveau d’anciennes sorties. Tout le monde va devoir se pencher sur la question dans les prochains mois. C’est une manière de nous rappeler à quel point nous sommes sur une corde raide -certains labels et disquaires vont vraiment être affectés par ce qui s’est passé. Ca montre simplement à quel point le modèle indé est fragile. »
Les dégâts sur la branche britannique de PIAS et des labels distribués pourraient en revanche se faire moins sentir, dans l’immédiat, sur le reste de l’Europe : l’entreprise possède un autre entrepôt important en Belgique, où sont notamment stockés les disques distribués en France.
Edit : Mercredi matin, les estimations commençaient à tomber. Pitchfork, via le Chicago Tribune, rapporte ainsi que Thrill Jockey estime la perte à près de 220000€, « avec la destruction de dix à une centaine de copies de chacune des 280 références du label ». L’un des plus touchés serait le Beggars Group (donc XL, 4AD, True Panther, Too Pure, etc.) avec la destruction totale d’un stock de plus de 750000 disques, comme l’a indiqué Martin Mills à Pitchfork. Domino explique avoir perdu « une part importante de ses stocks » : exemple immédiat de l’impact de l’incendie, la sortie physique du prochain single des Arctic Monkeys, The Hellcat Spangled Shalalala, est semble-t-il lourdement affecté par la catastrophe.
PIAS et Sony SADC ont publié un communiqué dans lequel ils expliquent mettre en place un « Business Continuity Plan » pour éviter les ruptures dans les circtuits de distribution. Des appels au soutient fleurissent ici ou là, notamment pour les plus petites des structures touchées, pas forcément toutes directement assurées sauf éventuellement via PIAS : le téléchargement d’album en version digitale semble être un bon moyen de leur offrir l’oxygène financier nécessaire à la continuation immédiate de leur activité.
http://www.youtube.com/watch?v=dK5ecuxXyYM
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