Mais que fait Minneapolis ? Libéré par Warner, l’artiste anciennement connu sous le nom de Prince n’a enfin plus d’excuses pour justifier son impuissance et dit tout en trois albums : soit rien. Prince, c’est un peu Vasarely ou Georges Mathieu : quelques années après, on ricane encore que des gogos aient pu croire un […]
Mais que fait Minneapolis ? Libéré par Warner, l’artiste anciennement connu sous le nom de Prince n’a enfin plus d’excuses pour justifier son impuissance et dit tout en trois albums : soit rien.
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Prince, c’est un peu Vasarely ou Georges Mathieu : quelques années après, on ricane encore que des gogos aient pu croire un instant au danger de ces œuvres, qu’ils aient sérieusement envisagé que ces disques cassant à l’occasion, parfois même brillamment, quelques briques puissent faire tomber des murs. Homme des années 80, jusqu’au bout des seins, dont le dernier acte d’excellence reste Sign of the times (87), il résistera aux années 90 avec la même impuissance que l’art pompidolien face au septennat Jack Lang. Qui peut aujourd’hui décemment siffloter la moindre chanson de Prince sortie depuis dix ans ? Prince, c’est un peu Jean Alési. Dix ans qu’il nous jure qu’on allait voir ce qu’on allait voir le jour où on lui donnerait enfin la bonne voiture, la bonne écurie. Expliquant que chaque sortie de route était en fait une vengeance sournoise contre sa maison de disques Warner, que chaque accident était une façon d’exprimer son mécontentement. Commode excuse pour justifier un pilotage de plus en plus approximatif Prince devient-il un peu Jean-Pierre Beltoise ? ou réelle usure face à la pesanteur de cette industrie, à la dictature des béotiens du commerce international de la musique ? Aujourd’hui libéré du joug Warner, on allait enfin savoir qui était Prince en 96 un cabotin incapable d’assumer seul son impuissance ou un volcan de belles frustrations prêt à exploser. On tente d’abord de passer outre l’imagerie gras-double et burlesque de la pochette de ce premier album princier pour ses nouvelles couleurs : des poignets brisant leurs chaînes, Emancipation sur fond de ciel orageux. Pas vu aussi futé depuis l’affiche du feuilleton Roots. On passera aussi sur le choix calamiteux des reprises on n’aime pas particulièrement Joan Osborne ou Bonnie Raitt mais quand même, elles ne méritaient pas ça. On passera ensuite sur les arrangements très wine-bar pour yuppies de série B de ce jazz-funk clinquant et régulièrement laid. On passera sur le grotesque Courtin’ time, ce qu’on a fait de plus vache au jazz-à-papa depuis au moins Joe Jackson. On passera aussi sur les slows dégoulinants, puant l’after-shave, en se poilant vraiment très fort en imaginant la gueule ahurie de l’officier de l’état civil qui, dans neuf mois, se verra proposer vingt fois par jour les prénoms Nelson ou Rogers, par des couples unis pour le pire grâce à ces The Love we make cradocs, à ces I can’t make U love me lubriques. On passera parce qu’on est de bonne humeur sur les paroles ou sur la nécessité de cette diarrhée musicale il y avait là de quoi faire un album simple à peu près décent, avec Curious child ou Get yo groove on. Et c’est bien le problème de ce triple album aux longueurs coupables : on passe, mais rien ne dépasse. C’est la conduite sur l’autoroute, monotone et automatique, souvent sous la pluie. « Trois heures d’amour, de sexe et de liberté », jurait pourtant le communiqué officiel, menteur comme un dépliant touristique qui oublie la sortie des égouts, la fumée toxique et les voisins infréquentables. Si l’amour, le sexe et la liberté ressemblent à Emancipation, alors je veux être insensible, chaste et en prison.
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