Très forte tête âpre et rock, acide et libre, white trash et glamour, EMA est l’une des plus passionnantes figures du moment : l’Américaine nous a offert une passionnante interview, retranscrite ici intégralement à quelques jours de la parution de son fantastique Past Life Martyred Saints.
Tu t’es sentie à nouveau comme une vraie freak…
Je me suis sentie totalement rejetée. Je ne comprenais rien de ce qui se passait, en fait : le fait même de jouer dans un groupe me semblait alors étrange. Et, surtout, je me sentais injustement jugée, sur des choses que je n’arrivais pas à maîtriser. C’est une des leçons principale de cette période : les gens réagissent comme ils le peuvent à ce que tu leur offres, et tu ne peux pas toujours contrôler l’humeur que tu dégages. Je dégageais sans doute une sorte de défiance, j’étais sur la défensive ; c’est quelque chose qui se sentait. Je joue ce soir, et je suis un peu inquiète : je suis fatiguée. Alors que je veux être sur scène une source d’énergie, je veux que l’échange soit positif.
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Comment les choses ont-elles évolué, au sein de Gowns, et avec Ezra ?
(silence) C’est dur à décrire, de mettre des mots sur ce qu’est devenu le groupe. Je crois que Gowns a fini par être entièrement basé sur le chaos. Ce n’était pas quelque chose que nous cherchions, mais tout semblait fou, hors de contrôle, c’était nerveusement extrêmement dur, tendu, les concerts étaient sauvages, je me demandais en permanence si notre matériel n’allait pas péter en plein milieu du set –ce qui est d’ailleurs souvent arrivé. On ne savait jamais comment les choses allaient tourner. C’était pour moi effrayant, mais c’était dans le même temps totalement excitant ; et je crois que les gens aimaient également assister à ce genre de prise de risque. Le problème est que les montagnes russes émotionnelles de la scène ont fini par se reproduire en dehors de la scène. C’était une mèche qu’on avait allumée, mais qu’on ne pouvait plus éteindre. Le problème est qu’on ne découvre ses limites qu’une fois qu’on les a dépassées… Et ça a fini par être trop. On n’avait pas d’attaché de presse, pas de tourneur, on faisait tout nous-mêmes : le chaos, intégral. Je ne voulais plus être à ce point dans l’autodestruction.
Qu’as-tu ressenti quand le groupe s’est séparé ?
Du soulagement. Et une question étrange : je me suis demandée pourquoi ni lui ni moi n’avons pris la décision de mettre fin au groupe plus tôt. Mettre fin à tout, au groupe, à notre relation ; c’était intenable, malsain. Et encore plus malsain de ne pas savoir y mettre un terme. Les choses étaient devenues étranges de l’extérieur. J’ai toujours considéré le groupe comme un duo, à égalité, mais les médias se sont surtout concentrés sur moi, ce qui nous mettait mal à l’aise. Nos envies ont aussi fini par diverger, je voulais aller vers quelque chose de peut-être un peu plus pop.
Tu n’as pas eu peur de devoir cette fois faire les choses seule ?
Non, cette peur, je l’ai eue au tout départ, avant Gowns. Mais je ne l’ai plus. Certaines chansons de cet album sont anciennes : Marked est une vieille chanson, Butterfly Knife également, je les ai écrites seules il y a longtemps, à une époque où j’avais justement peur qu’elles ne soient trop tordues pour être entendues. J’avais alors besoin de quelqu’un pour valider ça, pour me donner confiance ; ce fut Ezra, et Gowns.
Globalement, qu’as-tu appris de ton expérience au sein de Gowns ?
J’ai d’abord progressé en tant que musicienne ; le groupe, ainsi que tous les gens que j’ai pu côtoyer, ont d’une certaine manière été mon école d’art. J’ai aussi compris qu’il n’y avait aucune barrière, qu’il n’y avait pas besoin d’en placer. Si tu veux faire quelque chose, tu le fais : c’est aussi simple que ça. Et comme je suis assez control freak… Je me sens très libre. Je veux tout mélanger, je veux tout dire, je veux tout faire. Je veux la perfection, une certaine perfection -je ne saurais pas la décrire, c’est ma perception de la perfection, c’est ce que je considère comme beau. Cette beauté peut venir de partout : je veux pouvoir être le canal par lequel elle s’exprime.
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