Par la seule grâce d’un mélodica, Augustus Pablo, disparu l’année dernier, a envoûté une génération. Une compilation lui rend hommage. Pourtant considéré comme une affaire de producteurs, le dub aura mis en lumière quelques instrumentistes au rang desquels Augustus Pablo demeure le plus atypique de tous. Ce joueur de mélodica, et accessoirement de xylophone, mort […]
Par la seule grâce d’un mélodica, Augustus Pablo, disparu l’année dernier, a envoûté une génération. Une compilation lui rend hommage.
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Pourtant considéré comme une affaire de producteurs, le dub aura mis en lumière quelques instrumentistes au rang desquels Augustus Pablo demeure le plus atypique de tous. Ce joueur de mélodica, et accessoirement de xylophone, mort l’année dernière, a enregistré dans les années 70 un certain nombre d’albums, le plus célèbre King Tubby meets rockers uptown étant fréquemment cité parmi les indispensables du genre. La sonorité de cet instrument pour enfants, à la monodie naïve et lancinante, l’étrange pouvoir qui s’en dégage, auront suffi à lui tisser une aura digne du joueur de flûte d’Hamelin qui, dans le sillage de sa musique, entraîne la pestilence et libère son village malade et corrompu « Babylon », en langage rasta du fléau dont il est la proie.
Pour tous ceux qui à cette époque découvrirent les mélopées fluides jouées par cet innocent aux doigts de fée, au souffle caressant, la légende méritait d’être exhumée. La singularité du mélodica, ses vertus apaisantes, associées à la savante pyrotechnie sonore des meilleurs producteurs, parmi lesquels King Tubby, Prince Jammy et Lee Perry, ont délimité les confins d’un son baptisé « far east sound », dont cet album éprouve l’étendue, comme il en échantillonne la haute teneur spirituelle.
De Robbie Shakespeare à Family Man, de Carlton Barrett à Horsemouth Wallace, la crème des studios de Kingston des années 70 étend sur les pistes son onctueuse compétence, et ce mélange de basses grondantes et de breaks de batterie sur lequel court le filet sinueux teinté d’irréalité du mélodica apporte à l’ensemble une poésie qui semble ne jamais vouloir décliner. Cette immunité, la musique d’Augustus Pablo la doit sans doute à l’absence de toute intervention vocale et surtout de prêche, récurrence parfois fâcheuse des enregistrements reggae de cette période.
Bien que les effets sonores interdisent de parler de pureté instrumentale, on est touché par le côté immaculé, intégralement religieux de cette production, qui ne sermonne jamais mais développe par syncopes, chaloupements et ornements lyriques, une vision radieuse et fantasmée de l’Afrique recréée à l’intérieur de l’espace élastico-acoustique du dub comme terre de rédemption, où siège une promesse de retour.
Cet album servira de mise en bouche en attendant que l’intégralité des albums de ce conteur sans paroles puissent être rééditée et que cette magie naïve, à laquelle semblent être déjà sensibles de nombreux artistes contemporains (Samia Farah parmi d’autres), s’exerce sur une plus large audience.
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