Une ultime et troisième livraison des « Inédits » qui résonne comme un thriller, une tournée passant par Nantes le 25 mars puis par le Théâtre du Rond-Point le 30. Le verbe de La Rumeur reste le plus politique du rap français. Comme le confirme un entretien avec un de ses membres, Ekoué.
Pourquoi donnerez-vous l’un de vos deux concerts du 25 mars 2015 à Nantes à la prison pour mineurs d’Orvault ?
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Ekoué – Depuis la fin de la tournée « Tout brûle déjà« , nous sommes moins soumis à la pression promotionnelle, cela nous permet de travailler avec des associations. Jouer en prison, on l’avait déjà fait à Toulon. Actuellement, on ré-impulse la pompe. C’est cet intervalle, cet écart de création qui te permet de te nourrir en émotions et de laisser mûrir des contenus. On a aussi monté notre site web d’infos et on travaille sur notre long métrage, qui nous prend l’essentiel de notre temps.
Quel regard jetez-vous sur le vœu de la maire de Nantes Johanna Rolland d’accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales ?
Ce débat est en cours depuis trente ans et n’a jamais été suivi d’effets. Attendons de voir. Tant mieux si cela permet de créer chez les immigrés une réaction positive vis-à-vis de ce qui les oppresse. Mais pour l’instant, à mon sens, l’abstention va devenir le premier parti de France. Car le personnel politique français, de l’UMP au PS en passant par l’extrême-gauche et l’extrême-droite, est complètement décalé. C’est de cet état de fait dont on doit partir. Or ce n’est pas le cas puisqu’un parlementaire vert vient d’évoquer l’idée d’un vote rendu obligatoire, avec des sanctions pour les citoyens contrevenants.
Il s’agit d’un député nantais, François de Rugy.
Cette proposition, c’est tout ce qu’il ne faut pas faire. Ce sont les promesses non tenues qui devraient être sanctionnées. En acceptant, bien sûr, les marges d’erreur. Mais s’ils passent de tout à rien, les politiques devraient pouvoir être poursuivis. Il y a des maires ou des conseillers régionaux qui rendent des comptes de manière claire et correcte à leurs citoyens. Pourtant, quand un élu se fait prendre la main dans le sac à ne pas payer ses impôts et reste parlementaire, c’est 5 à 10 % d’abstention en plus qui se prépare. La politique a besoin d’espérance comme raison et ferment or celle-ci n’est plus là.
Cela ne ramène-t-il pas au verdict du procès rennais opposant les deux policiers aux familles de Zyed et Bouna ?
Il serait bon qu’on n’ait pas un banal acquittement. Mais Il n’y a aucun suspens. Les policiers vont être relaxés. C’est ce qu’a requis le procureur. Le procès a duré dix ans, c’était surtout un marathon pour donner des miettes aux gens, pour tenir l’opinion en haleine.
De votre côté, vous avez gagné contre le ministère de l’Intérieur au bout de huit ans, la justice n’est donc pas à sens unique, non ?
On a gagné face à deux pourvois en cassation, on était attaqués à cause d’un texte, je le rappelle. Pour un simple article d’opinion qui n’a pas plu à Sarko. Il n’y avait jamais eu de procès de ce type depuis les débuts du droit de la presse. La volonté de nous faire taire était clairement affichée. Nous avons dû nous acquitter de frais d’avocats monstrueux, la censure a eu beaucoup d’effets secondaires. Ce n’est que parce qu’on s’est formés pendant cette période qu’on a réussi à résister.
Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy et les siens sont à leur tour acculés par la justice…
Il a l’outrecuidance de se représenter avec toutes les affaires de corruption qui l’accablent. Je ne donne pas cher de sa peau. Le pire serait pourtant qu’il gagne la primaire à l’UMP puis la présidentielle. Après ça, on ne pourra vraiment plus demander aux gens d’aller voter.
Aujoud’hui, comment définiriez-vous votre identité sonore ?
La tendance aujourd’hui, c’est quoi ? La trap music ? On a jamais été dans le mimétisme. Coller aux derniers vendeurs est une démarche de suiveurs, de soumis. On n’oublie pas que le hip hop vient de New York. Mais pourquoi Paris n’aurait pas son propre son ? On n’est pas comme ces tartuffes qui s’habillent comme des mecs de Miami. Pour être allé aux Etats-Unis, je peux te dire que les américains écoutent avant tout les gens de leur ghetto. On est fiers d’être enracinés dans notre quartier, le 18ème. Fiers d’être des purs produits des quartiers populaires français. C’est ce que les gens aiment chez nous. Ils ne sont pas forcément tous suiveurs des zozos du « rap game ». Je ne cherche pas le clash. On a eu un clash. Il nous a opposé pendant dix ans au président de la République. Le reste, pour moi, c’est des enfantillages.
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