Vanot retire l’amidon de ses cols avec un assouplisseur américain. Baisser ses gardes n’est pas baisser sa culotte. Bien qu’on n’ait pas plus pour habitude de graver des serments minables sur les disques que sur les arbres, cette Egérie apprivoisée à force d’écoutes répétées nous inciterait bien à jurer croix de bois croix de fer […]
Vanot retire l’amidon de ses cols avec un assouplisseur américain. Baisser ses gardes n’est pas baisser sa culotte.
Bien qu’on n’ait pas plus pour habitude de graver des serments minables sur les disques que sur les arbres, cette Egérie apprivoisée à force d’écoutes répétées nous inciterait bien à jurer croix de bois croix de fer qu’on suivra Silvain Vanot jusqu’aux enfers s’il le faut. On le tenait déjà en haute estime, le Silvain, au pertinent motif qu’un fan ultime des Guided By Voices, capable de surcroît de reprendre sur scène aussi bien Juliette Gréco que les Sex Pistols, ne pouvait qu’être foncièrement bon. On applaudit également à tout rompre sa gaie façon de défier les colleurs d’étiquettes (rock ? chanson française ? folk normand ?) et de bafouer l’étiquette, de mépriser les us et coutumes, soucieux de n’en faire qu’à sa tête de mule. Avis aux boursicoteurs de tout poil : placer sa confiance dans le présent et le futur de ce garçon est une opération à risque pour ainsi dire nul, tant son parcours buissonnier paraît tendu vers un horizon triomphal et coloré comme un arc-en-ciel au pied duquel on l’attend d’oreille ferme.
Parti battre la campagne à Nashville, ce honky-tonk man perclus de rhumatismes citadins a trouvé en Robb Earls, grand manitou du son des gloires (?) locales de Lambchop, un complice idéal, véritable orfèvre en matière d’arrangements avec les mots et les notes. Complétée par un trio de musiciens au diapason, la belle équipe a donné naissance à une Egérie bigarrée et bagarreuse, dépourvue des intempestifs dérapages rustauds qui amoindrissaient un tantinet l’impact de Sur des arbres, et qui découvre un Vanot atteint par un relatif apaisement mais fidèle jusqu’au bout des ongles (acérés) à ses obsessions intimes. Bon prince, il confie lui-même, sur Dis-moi pourquoi, l’une des clés de son esthétique : « Je sais faire grincer les guitares, je sais en caresser le bois » voilà qui résume au plus juste cet intrigant mélange de nerveuse rusticité et de sensualité raffinée qui confère charme et force à ses chansons indociles. Le doux halo de la sérénité pointant aux abonnés absents sur les deux précédents épisodes qui recouvre Egérie n’implique aucun lever de drapeau blanc de la part d’un tel empêcheur de tourner en rond dans l’atmosphère. Lui aussi sait bien qu’il n’y aura rien à gagner ici mais n’en a pas moins résolu de livrer bataille avec un acharnement qui fait plaisir à entendre. Qu’on le sache : taillé dans le bois dont on fait les feux de colère, Vanot n’est décidément pas du genre à mettre de l’eau dans son encre noire comme les idées. Avant qu’ils ne ramènent leurs tristes trombines, on conseillera aux sceptiques d’aller se frotter aux rimes rêches de Mary, ville morte, à la coulée d’acide de C’est dans ma tête ou encore un salutaire passage à tabac du pire des oxymores, la sagesse populaire, sur La Norme. On attirera aussi l’attention sur L’Hirondelle, qui ferait le printemps de moult groupes besogneux, et Je te voudrais, fiévreuse sérénade qui jette un pont d’or entre Rouen et le Dunedin des Bats. Mutine et incisive, légère et rieuse, Egérie séduit sans apprêt et ensorcelle sans appel.
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