Profitons du nouvel album de Eels pour redécouvrir les deux précédentes pépites du trio californien, ainsi que les deux trésors cachés de son leader E.
Malgré l’image d’une petite fille aux grands yeux étonnés qu’ils s’étaient choisie comme emblème sur leur premier album Beautiful freak, les trois californiens de Eels n’étaient plus tout à fait naïfs en 96. Leur leader, Mark Oliver Everett, sous son pseudonyme minimal E, affichait même déjà quelques heures de vol consignées sur deux albums parus respectivement en 92 et 93. Sur A man called E, la voix déjà éraillée ne sait pas trop où se mettre entre les tentations solaires de la pop et son envie d’aller visiter les marges de la mythologie musicale américaine. Une fragilité qui rend alors la musique de E plaisamment inconsistante mais ne laisse que très moyennement percer les talents d’écriture pointilleux du garçon. Beaucoup plus étoffé, flirtant parfois avec le professionnalisme des studios West-coast, son deuxième effort solo, Broken toy shop, séduit pour sa richesse mélodique et instrumentale (les cordes font une apparition timide, les harmonies vocales remplissent tout l’espace) mais patine un peu au décollage. Les trois années suivantes, E les mettra à profit pour se construire un groupe bouclier, Eels, et croiser ses chansons avec quelques experts en manipulations sonores, notamment les Dust Brothers. Le résultat intitulé Beautiful freak, jouissif et spectaculaire, mettra le monde entier dans sa poche grâce aux tubes élastiques Novocaïne for the soul ou Rags to rags. Attendu au tournant, E préfèrera ensuite se jeter la tête la première dans le fossé. Le second album de Eels, Electro-chock blues, écrit en pleine tourmente familiale, prend tout le monde à revers : E se racle un peu plus la gorge façon Tom Waits, range ses instruments clignotants pour ressortir du grenier guitares cabossées et basse bourdonnantes. Le disque sent tellement la mort qu’il fait un flop remarquable. À cet album d’exorcisme mal léché, Eels fait succéder le nouveau et brillant Daisies of the galaxy qui retrouve les couleurs et le ton badin de Beautiful freak sans l’artillerie des samplers et des astuces de l’époque. Bucolique et acoustique, intelligent à chaque note, le troisième album de Eels annonce des jours enfin dégagés devant eux. Les jours E-reux ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}