Publiée sur internet, la dernière vidéo de Booba, La Fouine et Dixon a mis tout le monde mal à l’aise.
D’abord parce que ce clash passionnait beaucoup de monde ; fans de Booba, de La Fouine et observateurs distanciés, pris au jeu du comptage des punchlines. Mais aussi parce que l’altercation révèle à quel point le rap peut demeurer lié à de brutales considérations d’honneur et d’ego : dans ce club de sport où éclate la bagarre, Booba et La Fouine se sont retrouvés comme deux bonhommes publics du XVIIIe siècle qui auraient lavé un affront littéraire à l’aube, épée à la main.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Au-delà du grotesque, cette faillite artistique effondrée au niveau d’une baston de rue met en lumière la lutte qui se joue entre le rappeur et son double, l’auteur et son sujet, cette folie artistico-psychologique qui ravage le crâne du MC. On a beau gloser sur la quantité d’esbroufe ou la distance artistique contenue dans telle ou telle phrase, les rappeurs sont parfois très proches de ce qu’ils énoncent, étonnamment proches d’un personnage paradoxal qui leur assure masque et pseudo mais les représente en (quasi-)totalité.
Si les radicaux comptent encore les points, les amateurs de rap sont effondrés – quoique moyennement étonnés par ce final – et les détracteurs du genre, eux, se frottent alors les mains. Tragique : il y a fort à parier que les prochains pissevinaigres qui s’attaqueront au rap – trop heureux de suspendre enfin au même câble tous les tocards de la rime forte –, ne manqueront pas de retourner l’exemple face à ceux qui se défendront en prétendant faire de l’art : “Lorsque vous parlez de mettre un billet sur la tête d’untel, ne nous faites pas croire que vous ne le pensez pas. Vous êtes votre sujet : regardez La Fouine, il voulait juste casser la gueule de son adversaire et ne rappait pas autre chose.”
{"type":"Banniere-Basse"}