Ces derniers mois, on a beaucoup écouté de musiques immatérielles. Une façon de s’isoler du vacarme encombrant de la réalité.
La tendance n’est pas nouvelle, elle remonte à Satie et Debussy au moins, elle est passée par plein de groupes barbus et chevelus allemands des années 70 – on conseille toujours Tangerine Dream –, par quelques Anglais visionnaires dont bien sûr Brian Eno, puis Talk Talk ou Blue Nile. Mais ces dernières semaines, en réaction peut-être à l’urgence dictatoriale des réseaux sociaux et des sites d’information, quand même le sommeil devient culpabilisant, en ce qu’il interdit pendant quelques heures un devoir de vigie et de présence, on s’est isolé de la frénésie en se réfugiant dans les musiques immatérielles de Cloud Boat, Koreless, Olafur Arnalds ou James Blake.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
De la pop peut-être – on n’est pas encore dans l’abstraction –, mais qui oppose la lenteur et la patience à la vitesse et à l’agitation. Une musique strictement contemplative mais qui ne s’affale jamais dans le new-age – trop construite, à l’envers (déconstruite, si on veut : on préfère parler de soustraction), pour se contenter de ces ectoplasmes molassons pour boutiques Nature & Découvertes. On a tous joué, gamins, à relier les points, numérotés ou non, qui à la fin révélaient un dessin, clairement identifiable.
Eux font pareil avec leur musique, mais en espaçant de plus en plus les points, en étirant radicalement les espaces, en ouvrant des gouffres de silence entre les notes. Pourtant, à l’arrivée, en prenant le recul nécessaire, leurs morceaux révèlent, suggèrent des paysages vertigineux, des natures mortes qui n’en sont pas. Car si cette musique ralentit la vie, décélère le pouls, elle ne pousse jamais à la torpeur, à l’apathie. Dans toute son utopie, cette musique de peu mais jamais de rien nourrit au contraire une riche et intense vie intérieure, qui s’anime en couleurs, fuit le gris de dehors. Le son étale des nerfs qui démissionnent. Ça fait un bien fou.
{"type":"Banniere-Basse"}